[Eanair 554 ] nouvelle saison, nouvelles recrues

Le solstice d'hiver venait juste de passer avec ses festivités familiales. Hélas tous n'avaient pas forcément eu le coeur à la fête, Avarra ayant fait sa moisson hivernale dans certaines familles et laissant des veufs, orphelins... et l'hiver ne faisait que commencer mais il s'annonçait rude cette année. La neige recouvrait les champs en couche épaisse.

Chez les Alton, à Armida, un vaste terrain lui n'avait pas de neige pour sa simple et bonne raison que chaque jour, deux fois s'il fallait, des jeunes cadets en formation devaient le déblayer. Certains trouvaient cela inutiles, d'autres savaient que cela servait à donner le coup de l'effort aux nouveaux.

Ce jour une nouvelle "fournée" de gamins de 15 ans débarquaient. depuis presque 20ans que cette institution existait, il venait chaque hiver plus d'hommes en devenir. Fils de vassaux, fils de paysans, orphelins désireux d'avoir un destin, la condition était simple, prêter allégeance aux Alton et en retour, travailler , apprendre, devenir un soldat, car la garde Alton était la première Armée réelle et digne des domaines qui existait, la seule au demeurant.

Dyan et Rhodri, gardes depuis quelques années déjà attendaient aux côté de Malek Lanart, l'instructeur des nouvelles recrues. Ces derniers aux tenues et allures disparates attendaient dans la cour sans neige, observant les gardes, baraquements le tout en construction. Ce qui deviendrait la caserne la plus renommée de Ténébreuse n'était encore qu'en construction.

Rhodri s'était réveillé dans les bras d'une femme dont le mari, marchand cornu de son état, s'était absenté pour une décade. Cela faisait un bail que la gourgandine lui faisait de l'oeil, il était inconcevable pour lui de passer à côté d'une telle occasion ! Il avait souri à son badinage et avait baissé le regard sur ses melons qu'il avait en vue plongeante. De sacrés beaux nibards ! Et il s'y connaissait ! Il s'était laissé entrainer vers sa demeure cossue. Encore une veinarde qu'il mènerait au paradis, parole de Rhodri ! 

Les yeux à peine entrouverts, donc (oui, on revient au sujet), Rhodri se rendit compte de deux choses : premièrement, qu'il ressentait l'envie pressante de reprendre là où ils en étaient restés puis qu'il était en retard. Or, c'était clairement pas le jour à se radiner le dernier à la caserne... Il était bien placé pour savoir qu'une nouvelle "fournée" de gamins devaient débarquer en ce jour, il se devait donc d'être là pour les accueillir. Plantant un baiser sur l'épaule de la vile créature qui tentait de le soustraire à son devoir, il se dégagea de ses bras potelés.

Désolé, poupée, mais j'ai à faire. 

Rhodri s'habilla rapidement tout en lui affirmant qu'il reviendrait le soir avant de filer vers la caserne qui débordait déjà de nouveaux venus. Fils de payses, de vassaux, d'orphelins, l'échantillon était large. Il avait déjà oublié la douce Siri et s'interrogeait sur ce que la moisson donnerait. Il y aurait bien dans le lot quelques profils intéressants de bretteurs ou de lutteurs... Les jeunes semblaient plus intéressés par les baraquements en construction... Qu'ils en profitent, très bientôt ils auraient bien autre chose à faire ! C'est en lorgnant quelques candidats qu'il rejoignit Malek Lanart et Dyan Alton. Au bout d'un moment, il lui sembla que le flot s'était interrompu. Les recrues attendaient désormais que la cérémonie commence, jetant sur eux un regard vaguement interrogatif. C'était le moment. Il jeta un coup d'oeil à Malek et Dyan.

Tout le monde est arrivé. Je crois qu'on peut commencer.

 
 
 
 
 

Dyan alton lui répondit sèchement. D'un bond, Rhodri me mit au garde à vous, le menton relevé et le regard fixement posé sur l'assistance.

Oui, mon capitaine ! répondit-il avec la formulation consacrée.

L'Alton n'attendit pas plus pour commencer la cérémonie. Rhodri pouvait apercevoir du coin de l'œil deux retardataires qui se hâtaient de prendre leur place dans les rangs qui se formaient tant bien que mal. Devant lui, tout n'était que bousculade tandis que les cadets attendaient ostensiblement que les novices soient prêts.

Encore une fois Rhodri arrivait au dernier moment, pas assez en retard pour qu’on lui fasse une remontrance mais sur le fil du rasoir, et tout Alton qu’il fut cela lui pendait au nez que cela risquait de se retourner contre lui un de ces quatre.

Il salua d’un signe de tête Rhodri et n’eut pas le temps de lui répondre que Dyan Alton, Capitaine dans la garde répondit. Malek Lanart n’avait pas de titre de capitaine, mais en tant qu’officier instructeur, sur le champ d’entrainement il était considéré comme le plus gradé.

Néanmoins il observait les futures recrues, du bon, du moins bon, c’était le lot chaque année mais il appréciait son travail, savoir trouver une pépite parmi ces gamins mal dégrossis. Il regardait leur tentative de mise en rang, on aurait dit qu’on venait de donner un coup de pied dans une fourmilière en ces instants, cela bougeait dans tous les sens, sans ordre, sans logique et surtout sans la moindre efficacité.

- Il vous reste 10 secondes, vous repartez chez vous sinon. 10…9….8

C’était vil, mais il estimait que la mise sous pression était une bonne façon de s’assurer que chacun se bouge les fesses réellement. Le décompte se faisait, et les cadets pouffaient de rire, ils étaient passés par là les années précédentes.

- 3…. 2….. 1…. fini !

Le dernier mot avait été hurlé, sonnant la fin du temps imparti. Deux nigauds n’étaient pas rangés et Malek soupira, dommage pour eux, néanmoins il devait faire comprendre qu’ils n’étaient pas là pour rire.

- Vous deux, repartez chez vous, revenez l’an prochain éventuellement si vous avez trouvé un cerveau.

Cela pouffa une nouvelle fois et son regard noir se posa sur les cadets.

- Les deuxièmes et troisièmes années, trois tours de champ d'entraînement avec votre tenue et revenez sans la moindre tâche sur vos bottes.

Reposant son regard sur les novices, il ajouta.

- Je suis l’instructeur Malek Lanart. Ici votre nom n’a aucune importance, que vous soyez Alton, Hastur ou Aldones en personne je m’en contrefous royalement, je ne regarde que votre capacité à apprendre, écouter, évoluer et obéir. Aujourd’hui je serai aidé par le Capitaine Dyan Alton et le garde Rhodri Alton. Ils vont m’aider à évaluer vos aptitudes naturelles pour vous mettre dans des groupes différents selons ce que vous devez apprendre en premier. Des questions?


(Dyan et Rhodri vous pouvez jouer des novices, poser/répondre à des questions)

Malek avait repris la main et après un temps où sa patience avait atteint ses limites, il lança le décompte final. Ce fameux décompte qui allait déjà faire un premier écrémage.
Certain petits jeunes me faisaient presque de la peine. Pour éviter de reprendre la ferme familiale, de travailler aux champs par exemple, la garde était leur seul espoir de s’élever. Je ne m’en faisais pas pour les Comyn refoulés.
Je me posais chaque année la question. Si je n’étais pas si bien né, oui, même un nedesto était mieux né, si je n’avais pas eu ce modèle de rigueur que dégageait mon père, sa vocation de faire de moi un soldat… Aurai-je été à la hauteur face à tous ces cadets, ces officiers qui me hurlent dessus et m’ordonnent de faire des choses totalement inconnues.
 
Le décompte terminé, Malek sans aucune hésitation renvoya deux d’entre eux, chez eux, brisant l’espoir d’un avenir meilleur.
Evidemment, j’en aurai fait de même, car nous fonctionnons de cette façon. Il fallait être droit, rapide, fort pour réussir, sinon, on mourrait. Cela ne veut pas dire que nous échappons à la mort, mais au moins, nous avons une chance de nous en sortir.
 
Les premières questions fusèrent pour l’instructeur, je me retenais de rire en regardant mes bottes parfaitement cirées.
 
-       Vaï instructeur. On les a quand les uniformes ?
-       Ouè, et on nous paye combien m’sieur pour êt' là ?
 
Je me retenais de rire et bottais en touche en en voyant deux cadets en pleine course escorter les deux refoulés qui trainaient trop à mon goût dans l’enceinte au lieu de partir fissa comme il leur a été ordonné.
 
-       Vous deux, mettez moi ces deux là dehors, ils se plaisent un peu trop ici, et refermez les grilles comme il se doit.

-       Oui capitaine ! Répondirent-ils en chœur et s’exécuter.

Rhodri observait, légèrement amusé, les jeunes gens qui se hâtaient de se ranger. La précipitation et la maladresse dont ils faisaient preuve trahissaient leur méconnaissance des usages et de la discipline. Chaque année voyait son lot de nouvelles recrues malhabiles et c'était leur rôle de les dégrossir jusqu'à les rendre capables de tenir l'épée par le bon bout. 

Malek Lanart précipita la fin de cette débandade alors que les cadets se donnaient des coups de coude et pouffaient de rire en observant la déroute des bleus. Ils avaient tous la mémoire courte, n'avaient-ils pas vécu la même scène, pour certain l'année dernière à peine ? Comme d'habitude, quelques jeunes gens repartiraient chez eux, le regard baissé et la honte chevillée au corps. L'année dernière, ils avaient été quatre, cette fois, ils n'étaient que deux... L'un et l'autre s'en allèrent penauds, marchant la nuque cassée sous les rires indécents des marmots. Ceux-là était déjà priés de faire trois tours de champ d'entrainement. Ils s'éloignèrent tout bruyants qu'ils étaient et le silence revint. Rhodri ne put ignorer les expressions. Il pouvait lire de la certitude dans certains regards et dans la grande majorité des cas, de la perplexité, du doute, de l'appréhension... La nuance des émotions s'exprimait ici plus que partout ailleurs. Lui, il s'en rappelait, avait été plutôt déterminé dès ses débuts. Une question de personnalité peut être, encore qu'il avait reçu l'éducation adéquate et qui l'avait préparé à cette destinée, ce qui n'était pas le cas de tous ces jeunes bougres... 

Lorsque Malek Lanart leur demanda s'ils avaient des questions. Deux d'entre eux ne s'en privèrent pas suivi par un troisième, une grande perche à l'oeil torve.

Et pis, on mange quand ?

Celle-là, elle était pas mal ! Il retint un rire de justesse. Le capitaine n'était pas d'humeur jouasse ce matin, une remarque suffisait. Ce dernier ordonnait déjà de virer les deux recrues qui traînaient un peu trop à son goût. Dura lex sed lex...

Malek Lanart regarda les nouvelles recrues et soupira, rien de mieux que les saisons passées, pas un pour rattraper l’autre à ses yeux. Quelle était donc cette lubie nouvelle du Dom Alton de monter une garde officielle et de lui coller ces merdeux dans les jambes.

Il posa son regard sur Rhodri et Dyan. Allait-il devoir tout gérer et faire le garde chiourme encore aujourd’hui, visiblement oui, l’officier prit cependant en main les deux morveux qui devaient servir d’exemple aux autres. Quand à Rhodri il devait encore songer aux bras dans lesquels il venait de passer la nuit, fallait le caser celui là pour qu’il s’apaise vraiment.
Son regard sombre se posa sur les curieux et il répondit.

- Ton uniforme tu l’auras quand tu en seras digne. La paye c’est la même, pour l’heure vous êtes nourris, logés et entrainés. On vous offre un avenir, un métier, une vision et si vous avez quelque chose dans le cerveau et que vous n’êtes pas trop manchots dans quelques semaines vous recevrez vos uniformes de cadets et une première solde à dépenser chez les putes du coin.

Certains s’offusquèrent du ton, des mots mais c’était la pure réalité, les premières soldes servaient à enrichir les catins qui se réjouissaient du printemps à Armida depuis la création de cette garde.

Les deux qui avaient viré les retardataires étaient revenus dans le rang. La question sur le repas ne trouva même pas réponse, non cela n’amusait pas l’instructeur tout cela.

- Virez moi vos manteaux, et votre bordel, vous posez tout sous le préau à côté des écuries, vous rangerez ça plus tard. Vous allez courir pour démarrer que je vois si vous êtes trop con pour maintenir un rythme raisonnable et pour que je fasse un premier tri de niveau.

Posant son regard sur Dyan et Rhodri de nouveau il ajouta.

- Et vous pensez tout de même pas que je vais tout faire? Rhodri tu vas te bouger et tu prendras les plus rapides à réaliser cinq tours du champ d'entrainement pour les mener dans le hangar pour voir si ils savent par quel bout on tient une épée. Dyan, je te laisse tester les retardataires aux écuries, voir qui a peur des chevaux et si par chance certains savent monter ou même s'occuper des chevaux. Je prendrai le groupe intermédiaire pour les tester à l'arc. Allez.

Avisant les recrues d'un geste de main il les invita à courir !

Rhodri se serait bien marré mais le commandant avait décidé de lui remuer le cul ! Il répondit dans la seconde, d'une voix forte. Le commandant, c'était pas un marrant !

Oui, mon commandant !

Il s'avança donc alors que son supérieur incitait les recrues à faire cinq tours du champ d'entrainement jusqu'à poser la main sur la barrière qui délimitait le terrain. A les voir, certains avaient l'habitude de cavaler comme le grand à l'œil torve, clairement pas très vif d'esprit. Rapidement un groupe se dégagea du reste, l'on pouvait aussi voir quelques autres en queue de pelotons, tout rouges et qui soufflaient comme des bourrins en fin de course. Quelques minutes plus tard, la tâche effectuée, il brandit l'index pour en désigner quelques uns.

Vous trois là, plus toi, toi, toi aussi... toi, nan, pas toi ! Toi, j'te dis ! Vous cinq aussi. Vous venez avec moi, je vais voir comment vous vous débrouillez avec une épée. 

Il commença à marcher et se retourna, l'une des recrues désignées tentait de se soustraire, il le voyait bien à lambiner pour passer dans l'autre groupe...

Eh toi, tu crois que je te vois pas ? Tu me prends pour qui ? Allez, vingt pompes. T'as du bol, j'suis de bonne humeur !

L'Alton fit un geste, encourageant les autres à se diriger vers le hangar, gardant l'oeil sur le resquilleur avant de l'accompagner pour rejoindre le groupe. Les armes étaient rangées là, dans des caisses.

Vous allez prendre chacun une épée et me montrer comment vous la tenez.

Les jeunes se regardaient les uns les autres, Rhodri réprima un soupir, ce qu'ils étaient empotés ! Les plus vifs finirent par aller se servir au magasin, suivis par les autres. A l'observation, quelques uns tenaient l'épée correctement, tandis que d'autres... Ouais bon, c'était franchement pas terrible. Il se tourna vers les deux jeunes gens qui paraissaient les plus aguerris.

Toi et toi, ouais le brun j'te cause, vous tenez correctement une épée, c'est bien. Les autres... je vais vous montrer comment faire. Bon...

Il se racla la gorge.
 
Première leçon : Un bras et un poignet flexibles sont essentiels pour bien manier l’épée. Lorsque vous la brandissez, il faut être prêt à l'utiliser à tout instant. Tenez-la bien à la verticale devant vous, comme CECI, avec les deux mains pour que la lame soit perpendiculaire au sol. 

Rhodri en fit la démonstration.

Ouvrez votre corps comme ceci, votre pied gauche devant votre droit. Cette position vous offre une base de soutien solide pour attaquer. Cela vous fournira également un soutien contre les mouvements de votre adversaire et rendra plus difficile pour lui de vous renverser. Vous avez pigé ? Allez on s'y met ! On se bouge ! Le dernier à s'y mettre fait 20 pompes !

La troupe se mit en branle dans la précipitation. Alors que le dernier faisait 20 pompes, Rhodri poursuivit.

Bien, maintenant vous vous mettez deux par deux et vous me montrez comment vous vous y prenez !

Il suivit du regard les duos se former. Les lames des épées s'entrechoquaient. Il observa les groupes attentivement, notant les positions des pieds, la façon de tenir l'épée...

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

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#2 Résultat : 14