[Flashback] Monster - an 548

Cette grotte empuanti par les miasmes et effluves nauséabondes des déjections humaines avait tout d'un enfer. Kelyan aurait pu mettre fin au supplice de tous les présents mais il avait dépassé ce stade de colère. Il voulait voir ces gens morts ni plus ni moins et il n'était plus capable de réfléchir consciemment. Il se délectait peut-être même à l'idée de faire souffrir ses adversaires, ces lâches.

Le sang coulait déjà du nez de Colin et la colère de Kelyan était maintenant focalisé sur ce dernier. Il envoya avec toute la force de son désespoir son envie de le voir mort. Pour lui aussi c'était un calvaire. Néanmoins il vit le sang coulant maintenant des yeux, des oreilles mais aussi du nez de Colin. L'homme était tétanisé par la peur. Les autres s'étaient tus, la fin de leur supplice avait coupé leur souffle.

Colin finit par tomber au sol, le visage couvert de son sang, ses chausses pleines de ce que contenait ses tripes, vidé de toutes part, il gisait, mort. Ce fut la satisfaction de Kelyan avant qu'il ne sombre à son tour dans l'insconscience, ayant trop usé d'un laran méconnu.


Quand Kelyan émerge des limbes dans lequel l'usage de son laran l'avait plongé sa conscience lui dit de se méfier, de faire attention, qu'il va avoir froid, faim, mal.... Mais étrangement il bouge et ne souffre pas, au contraire... C'est... moelleux?

Il finit par ouvrir les yeux et se découvre dans une petite chambre, vêtu de propre, son corps porte les marques des coups et de la privation et son estomac crie famine mais il n'est plus dans la pièce sombre et humide. Assise dans un fauteuil en train de coudre se tient une femme âgée. Elle lève un regard sévère sur le jeune homme quand il émerge.

- Eh bien ce n'est pas trop tôt, j'ai cru que j'allais devoir veiller toute la journée à ton chevet gamin.

Elle pose son ouvrage et va sur la table prendre un flacon. Elle verse trois gouttes dans un verre et rajoute de l'eau.

- Prends ça c'est pour t'éviter de vomir tripes et boyaux quand tu vas manger. Ton corps a faim à cause de ce que tu as fait mais il n'est pas en état de digérer. Allez bois et ensuite tu pourras manger.

Elle désigna un plateau à côté avec des victuailles fraîches.

- Et non je ne vais pas t'empoisonner, ce serait stupide après t'avoir soigné et lavé non?

Si Kelyan avait pu s'arrêter, il ne l'aurait pas fait. L'homme devait mourir et il eut un sourire mauvais quand il se rendit compte que cela allait se produire. Personne ne faisait de mal à sa famille ! Perso...

Et il s'évanouit.

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Quand il revint à lui, il manqua de se redresser rapidement avant de se dire que ce n'était pas une bonne idée, il allait se faire mal et il allait ressentir le froid. Mais avant que ses yeux ne s'ouvrent, il sentit la chaleur et le moelleux tout autour de lui. Il était habillé et il avait chaud. Il avait mal aussi... Mais ce n'était pas si grave que cela, il était dans un lieu plus agréable. 

Il ouvrit les yeux et regarda la vieille femme qui lui parlait sans sembler comprendre ce qu'elle disait. Il ne la connaissait pas. Mais elle semblait gentille, est-ce qu'elle n'avait pas un motif caché derrière le fait de l'aider ? Il chassa cette idée quand elle parla de manger. Oui, il avait faim, très faim. 

Il se redressa très lentement pour prendre le verre et il le porta à ses lèvres lentement sans parler. Il ne savait pas où il était et ... il avait tué. 

"Il est mort."

Ce n'était pas une question, mais une affirmation. Il sentit son estomac se révolter à cette idée avant de se dire que ce n'était pas un problème, il l'avait mérité.

"Les autres vont bien ?"

Il ne s'attarda pas sur les paroles rassurantes, il ne lui faisait pas entièrement confiance, elle pouvait bien l'amadouer avant de le trahir. Mais il avait soif et faim et il allait devoir s'y mettre.

"Qui êtes vous ?"

Il finit de boire et regarda le plateau avant de tendre une main hésitante vers ce dernier.

La vieille femme s'arrête un instant et regarde avec sévérité le jeune homme.

- Oui vous avez tué mon Colin.

Sa voix qui était douce jusqu'alors a perdu toute chaleur.

- Je n'ai rien pu faire pour lui, vous l'avez détruit de l'intérieur. Ce sombre crétin était empathe mais n'avait trouvé utile d'apprendre à ériger des barrières correctes, trop peu de laran disait-il, voyez ou cela l'a mené.
Elle soupira alors que Kelyan avait bu et tendait la main pour manger maintenant.

- Allez y vous ne craignez rien je vous l'ai dit. Vos soeurs sont vivantes et dans une autre chambre. Mon maître, le chef du clan Mac Farell attend votre réveil. Mangez, il viendra vous voir ensuite. En toute franchise, je crois que vous auriez mieux fait de mourir jeune homme mais cela n'est que mon point de vue. Mangez tant qu'il est encore temps et ne cherchez pas à fuir c'est inutile.

Le regard de Kelyan se voila un instant quand elle déclara qu'il avait tué son Colin. C'était donc sa mère ou sa nourrice et l'adolescent manqua de répondre qu'il était désolé. C'était un réflexe mais il ne le pensait pas, non, l'homme avait mérité de mourir pour ce qu'il avait fait et Kelyan n'avait aucun regret. Il ne se souvenait plus vraiment de ce qui s'était produit, juste que c'était normal que son ennemi soit mort. 

Elle continua à parler de son ennemi en disant qu'il était un imbécile mais cela Kelyan ne pouvait pas la laisser faire.

"Il n'était pas un imbécile, il était un monstre, le violeur de mes soeurs et prêt à me faire subir le même sort. Il ne mérite pas de pitié."

Sa voix était nette, précise, mais totalement dénuée de chaleur. Il eut à peine le temps de se demander pourquoi il réagissait comme cela qu'elle annonçait que le chef du clan allait venir et qu'il aurait mieux valu que Kelyan ne survive pas. Il voulait bien le croire mais il prit le plateau et commença à manger lentement. 

"Me sauver et me nourrir ne changeront pas ce qui s'est passé. Et je ne vais pas fuir, cela serait inutile."

Son sort ne tenait qu'à un fil, mais sa voix était neutre, comme si quelque chose avait brisé l'enfant insouciant qu'il avait dû être un jour. Elle ne le connaissait pas, donc elle ne pouvait pas voir la différence, mais quand il reprit la parole, peut-être se rendit-elle compte de quelque chose.

"Votre maitre va me tuer, il aurait du me laisser mourir, c'est une perte de temps et d'énergie."

Pas de question, pas d'interrogation, juste une phrase prononcée sans peur, sans émotion, sans aucune animosité comme s'il avait annoncé qu'il allait neiger le lendemain. Et il recommença à manger.

La vieille femme haussa un sourcil et répondit de la même voix froide et sans plus aucune chaleur.

- Les deux ne sont pas incompatibles jeune homme. Je n'éprouve pas de pitié pour lui, j'ai l'impression terrible d'avoir perdu plusieurs année à essayer d'en faire un homme digne de ce nom et voilà qu'un gamin a peine pubère ruine tous mes efforts. J'avais misé sur le mauvais cheval à croire.

Elle ouvrit les rideaux et les fenêtres pour aérer la pièce alors que Kelyan pouvait maintenant manger.

- Mon maître ne va pas te tuer, ce serait une perte d'énergie de plus mais mon cœur de mère saigne à l'idée de ce que vous allez devoir faire.

Elle le laissa manger et n'ajouta plus rien, ne répondit plus à la moindre question. Quand Kelyan eut terminé son repas elle récupéra le plateau.

- Quand vous serez en forme pour une entrevue avec mon Seigneur, frappez à la porte. Habillez vous, dans l'armoire vous trouverez ce qu'il faut. Et vous serez accompagné dans la grande salle du Castel. Je vous souhaite le moins pire des choix, Zandru ne pourrait être plus cruel que mon Seigneur croyez le.

Il sentit bien qu'il l'avait vexée ou blessée, mais à cet instant Kelyan n'en avait strictement rien à faire. Son ennemi était mort et c'était tout ce qui comptait. Il avait réduit des efforts à néant, elle n'avait qu'à essayer plus fortement et empêcher ce monstre de nuire. Il l'observa alors qu'elle déclarait qu'il n'allait pas être tué. C'était bien et il recommença à manger machinalement.

Elle lui indiqua ensuite qu'il allait avoir un choix à faire et que son maître était plus cruel que Zandru, il secoua la tête.

"Je ferais ce que j'aurais décidé."

Il n'allait pas se laisser dicter sa conduite, et puis quoi encore ! Il faillit demander des nouvelles de ses soeurs mais il se repris et il termina son repas. Elle lui avait indiqué quoi faire et Kelyan comptait bien savoir ce qui l'attendait. 

Il se leva lentement en grimaçant sous la douleur encore présente, il ne savait pas s'il ressemblait encore à celui qu'il avait été avant cette épreuve, mais lui ne se sentait plus du tout le même. Il ouvrit l'armoire et sortit les vêtements avant de s'habiller lentement, machinalement, sans émotion aucune. Il porta sa main sur son visage avant de serrer le poing, non, le seigneur pouvait être cruel, mais il ne le laisserait pas voir la moindre faiblesse, après tout il avait tué maintenant.

Il frappa à la porte et attendit, droit, digne et le visage totalement inexpressif.

Si des cristoforos avaient été présents ils auraient pu conclure que la messe était dite mais ce n'était pas le cas aussi ce fut dans le silence de sa chambre que Kelyan se prépara. Il avait changé, ses journées enfermés, ses actes, ses émotions, son empathie, tout cela l'avait profondément marqué déjà.

Une fois prêt il toqua à sa porte et elle s'ouvrit. Un homme de main attendait en sculptant un bout de bois.

- Prêt gamin?

Question informelle qui n'attendait pas vraiment de réponse. Il invita Kelyan à le suivre, ayant confiance en sa propre compétence vraisemblablement ou n'imaginant pas qu'il serait un danger pour lui. Le regard inexpressif du gamin lui avait fait songé qu'il était peut-être déjà brisé.

il fut mené au rez de chaussée dans la pièce principale du petit Castel. Une pièce rustique comme le lieu, mais chauffée. Un grand âtre brûlait et réchauffait la pièce. Près de ce dernier un fauteuil dans lequel était assis un homme d'une cinquantaine d'années, vieux donc.

Dans la même pièce plusieurs hommes d'armes et surtout...



Mélyana et Melyssa, bien vêtues de propre, visages tuméfiés mais nettoyés. Elles observaient Kelyan l'air inquiètes mais en silence. Le vieil homme ne bougea pas quand arriva Kelyan.

- Mon garçon vient donc prendre place à mes côtés.

Il désigna un fauteuil près de l'âtre.

L'air totalement absent, les yeux rivés droit devant lui et l'absence de paroles pouvaient donner l'impression que Kelyan était brisé et lui même ne se sentait pas du tout comme d'habitude. Il ne savait pas d'où cela venait mais il ne voulait pas y penser, pas penser à ce qui s'était produit... Il suivit le garde sans dire un seul mot et observa le castel sans broncher. 

La pièce où il entra était plus grande, chaude et agréable, même si Kelyan ne trouvait rien de bien agréable dans le fait d'être prisonnier de son ennemi. Il observa l'homme qui restait assis et pris conscience de la présence de ses soeurs. Elles allaient bien, ou tout du moins elles étaient debout et elles l'observaient. 

Il sentait qu'il devait faire quelque chose, il se voyait courir vers elles et les serrer contre lui, mais en même temps il ne comprenait pas pourquoi il ferait une chose pareille. Il se décida à poser une question.

Dois-je le tuer pour que vous alliez mieux ?

Oui, c'était la bonne question à poser à ses soeurs, enfin... il croyait, il n'était pas certain. Il grimaça à cette pensée, il n'avait pas envie d'hésiter. 

Et quand l'homme l'invita à s'installer à ses côtés, Kelyan s'approcha et s'assit sur le fauteuil pour profiter de la chaleur.

"Je ne suis pas votre garçon. Que souhaitez vous de mes soeurs et de moi ?"

La pièce était silencieuse et les deux Scathfell aussi.
Elle saluèrent Kelyan d'un très léger signe de tête mais dans leur regard pouvait se lire la peur. Peur qui tel un serpent sournois glissait sur les barrières de Kelyan pour en chercher une faille afin de s'y introduire et de le ramener à ses craintes primales.

La question posée ainsi brisa le silence qui s'était imposé, les deux jeunes femmes ouvrirent des yeux plein d'effroi à ses mots, qu'arrivait-il à leur petit frère? Aucune des deux d'osa cependant répondre oralement, Mélyssa secoua la tête par la négative quand Mélyana semblait elle trouver l'idée intéressante qui sait.

Néanmoins quand Kelyan prit place dans le fauteuil, le vieux Seigneur partit d'un rire franc et amusé.

- Mais quelle audace petit. Et non tu n'es pas mon garçon tu l'as tué, tu dois t"en souvenir non? Hélas c'était mon seul fils et héritier. Je n'ai que des chieuses. Et comme j'aime les traditions je voudrais un gars de mon sang à moi pour prendre le relais plus tard. Alors j'ai un ... marché? Non... Un choix à te proposer.

Il souriait maintenant mais d'un sourire mauvais.

- Sous ton fauteuil il y a une dague, elle te servira pour ton choix à venir. Et me tuer ne fais pas parti des possibilités car si tu bouges vers moi, que tu tentes de me tuer avec tu le paieras de ta vie et cela ne fait pas parti des choix non plus. Mais du coup, veux-tu savoir quel rôle tu vas jouer dans la grande destinée ?

La peur était présente, les émotions étaient à fleur de peau et Kelyan avait ses barrières bien solidement remontées pour le moment. Il observa la réaction de ses soeurs et il nota que Mélyanna était nettement plus ouverte que Mélyssa pour la vengeance, car il allait se venger, il l'avait promis. Et même si ses souvenirs n'étaient pas encore totalement revenus, il savait qu'il avait promis de détruire intégralement le clan. 

Il observa l'homme qui se trouvait à ses côtés et il ne répondit pas immédiatement. Il n'avait pas d'audace, il avait juste prononcé ce qu'il pensait et c'était tout. Il ne se voyait pas en homme audacieux, juste en adolescent qui voulait en finir avec tout cela. Il tâtonna sous le fauteuil et prit la dague en la faisant briller à la lueur des flammes. Elle était belle, affutée et tranchante, parfaite pour faire mal et se venger. 

"Je n'ai pas eu besoin d'une dague, mais elle est belle elle brille dans la lueur des flammes et sa lame semble faite de sang."

Sa voix était distante, comme s'il rêvait éveillé et nul doute que son ton était presque enfantin, il avait plaisir à jouer avec l'arme. Il continua à jouer avec la dague pendant que l'homme lui parlait d'un choix et qu'il ne pouvait le tuer pour le moment.

"Mais est-ce que vos gardes seront plus rapides que moi ? Car si vous mourrez avant moi, vous n'aurez pas d'héritier et le clan disparaitra."

Il manqua de rire à cette idée, ce serait parfait de tuer l'homme immédiatement, mais en même temps il ne souffrirait pas et il avait fait souffrir Kelyan donc il devait souffrir encore plus. L'adolescent s'enfonça un peu plus dans le fauteuil en continuant à jouer avec la dague.

"J'écoute, quel choix m'offrez vous ?"

Dans un recoin de son esprit, il semblait entendre un enfant hurler et pleurer, mais Kelyan n'était plus cet enfant par la faute de cet homme et de son fils et il chassa cette pensée pour se complaire dans l'idée de vengeance et de souffrance, oui, l'homme voulait un héritier de son sang, mais à l'instant où Kelyan retrouverait les siens, ce clan partirait en fumée.

Le vieil homme était retors et n'avait pas la moindre peur en lui contrairement à Kelyan ou ses sœurs.
Il sourit devant l'air du jeune homme, il se sentait puissant d'avoir une arme en main. Si seulement...

Le chef du clan Mac Farell leva un doigt, simplement et Kelyan sentit une sorte de poids. La dague, sa main était lourde, il ne pouvait plus la bouger, il avait beau faire des efforts, impossible de faire bouger main et dague et sous son regard horrifié de voir sa main bouger contre sa volonté. La main armée de la dague se leva et se dirigea vers son propre corps effleurant sa gorge avant que la pression ne cesse.

- Tu vois tu ne pourras rien faire qui puisse me nuire petit, je suis méfiant maintenant. Mes gardes n’ont pas besoin d’être rapides.

D’un geste de la main il désigne à l’autre bout de la salle la vieille femme qui était visiblement plongée dans sa matrice et vu la distance une dague de contact ne pouvait l’atteindre hélas.

Cela étant dit il pouvait revenir au fameux choix et cela l’amusait visiblement.

- Bien bien nous pouvons donc aborder le marché. Tout d’abord ceci a lieu parce que ton père a une dette envers mon clan qu’il a refusé de payer, à cette dette maintenant se rajoute une dette de sang que tu as envers mon clan. La note est salée en somme pour toi. Je te présente la première option qui est la plus juste à mes yeux.

Son regard est mauvais et il glisse sur les jumelles, lubrique, avec envie visiblement.

- Premier choix donc, tu tues une de tes soeurs en paiement de ta dette et je garde l’autre en concubine pour avoir du sang neuf. Second choix, tu refuses de tuer volontairement une de tes soeurs et ta main tueras les deux sans ton consentement, spectateur de tes actes, impuissant. Dans tous les cas toi, tu restes en vie et tu retourneras auprès de tes parents pour raconter ce qu’il s’est passé. Voilà. Le choix est tien, et il est simple au final non?

La dague était vraiment belle et dangereuse et Kelyan continua à jouer avec jusqu'à ce que sa main s'immobilise. Il observa l'homme sans pouvoir faire le moindre geste alors qu'il se menaçait lui même avec l'arme. Elle effleura sa gorge et il cru qu'il allait se couper contre son gré avant que la pression ne se calme. Il vit la vieille femme et si un regard pouvait tuer, elle serait déjà morte, mais malheureusement un tel pouvoir n'existait pas. 

Il faillit plonger immédiatement la dague dans son coeur pour montrer qu'il ne se laissait pas contraindre avant de se dire qu'elle pourrait le sauver et qu'il aurait tout à recommencer. Finalement l'homme n'était pas dangereux, c'était elle la vraie cible et la véritable ennemie. Il inspira profondément, signe que des émotions parvenaient encore à franchir la muraille qu'il avait dressé autour de lui. 

Et l'homme expliqua son choix, la dague tomba sur le sol dans un bruit assourdissant et l'adolescent ouvrit la bouche pour hurler. Mais aucun son ne sortit de sa gorge et il ferma les yeux afin de se calmer. Il ne le ferait pas, il ne pouvait pas tuer de sang froid une de ses soeurs et laisser l'autre avec ce vieillard. Mais il ne pouvait pas non plus les perdre toutes les deux.

Quand il ouvrit les yeux, ils étaient plus froids que l'enfer de Zandru et il répondit d'une voix totalement neutre.

"J'ai compris mon choix."

Il se leva et ramassa la dague, elle était toujours aussi belle malgré ce qu'elle représentait.

"Je veux garder la dague. Et laissez moi parler."

Et il se ferait une joie de la planter dans le coeur du vieillard et de la leroni, de leur arracher et de les laisser le regarder battre ses derniers instants avant de mourir. Peut-être qu'il pourrait demander à un travailleur des tours de le laisser battre plus longuement, dans une agonie sans fin. Oui ce serait parfait. 

Il s'approcha de ses soeurs avant de s'asseoir à même le sol face à elles. 

"Mélyssa, Mélyanna, comment allez-vous ?"

Sa voix n'était pas celle de leur petit frère, il y avait des traces de froideur et de douleur immenses et en même temps il était totalement calme, trop calme peut-être. 

"Vous avez entendu le choix, je ne veux pas vous tuer mais elle est plus puissante que nous trois et nous n'avons aucun allié ici. Pouvez-vous vivre l'une sans l'autre ? Pouvez-vous encore vivre après ce que le monstre a fait ?"

Il sentit que ses yeux s'emplissaient de larmes.

Le silence était pesant et personne ne bougea quand la dague tomba au sol. Le choix l'avait-il vraiment compris? Néanmoins Kélyan était objet de toutes les attentions et quand le choix fut proposé un bruit brisa le silence, les sanglots étouffés des Mélyssa, sa jumelle Mélyana pour sa part était livide, blême mais emplie d'une sourde colère faisant echo à celle de Kelyan.

Kelyan fut laissé libre de ses gestes et il put ramasser la dague avant de poursuivre, il sentait sur sa main une pression infime afin qu'il sache que la leroni du clan était bien présente et veillait. Kelyan avait tué Colin et ne tuerait personne d'autre d'inutile.

La voix de Mélyssa s'éleva dans la pièce.

- Nous allons bien Kelyan.

Elle allait poursuivre mais Mélyana prit la parole à son tour, sanglotante.

- Non Kelyan, nous aurons trop honte pour vivre après ce que ces immondes pourceaux nous ont fait subir. Je.. je ne peux pas me regarder en face, nos parents auraient honte de nous...

Mélyssa restait blanche de son côté, pas de pleurs.

- Tu dois en tuer une Kelyan, nous devons vivre et faire payer ce clan quand ce sera possible.

Mélyana se tourna vers sa soeur jumelle, sa moitié, effrayée, une enfant brisée qui ne pouvait le cacher. Son incompréhension était totale, sa soeur pouvait envisager la suite seule? Elle ravala ses larmes et s'écarta de Mélyssa.

- Je suis enceinte !

Pas de mensonge dans ses propos.

Elles allaient bien, c'était l'essentiel et les larmes continuaient à monter dans les yeux de Kelyan. Mélyanna ne pouvait imaginer la suite seule et elle ne pouvait pas imaginer la réaction de ses parents. Elle ne comprenait pas et l'adolescent n'avait pas la force de la détromper. Elle ne reverrait pas ses parents contrairement à lui. Même s'il ne la tuait pas, elle serait en présence du père du monstre et elle resterait avec lui.

Mélyssa fit écho aux pensées de Kelyan et il eut envie de la frapper pour l'avoir dit à voix haute. Mais en même temps, personne ne pouvait être dupe, l'adolescent ne pardonnerait jamais et il vivrait assez longtemps pour se venger. Les larmes commençaient à briller au coin des yeux de l'enfant. 

Il hocha la tête, signe qu'il avait compris sa soeur qu'il avait compris qu'elle était sérieuse et qu'il avait aussi compris ce qu'elle lui disait. Oui, il avait fait son choix. Et maintenant les larmes coulaient librement mais Kelyan ne sanglotait pas, non.

Il regarda Mélyanna qui annonçait qu'elle était enceinte et cela ne changeait pas son choix, elle était une enfant brisée. La main droite de l'adolescent se fit plus ferme sur la dague alors que sa main gauche effleurait le visage de sa soeur.

"Je sais Carya."

Oui, maintenant il savait. Il la rapprocha de lui pour la serrer contre lui. 

"Mélyssa, rapproche toi de nous."

Nulle trace d'émotion dans ses mots, les larmes continuaient cependant à couler. Et dès que les trois furent rapprochés, la dague s'enfonça dans le coeur d'une jumelle, brisant quatre vies d'un seul coup. 

Les larmes cessèrent de couler dans les yeux de Kelyan qui se releva. Il avait toujours la dague ensanglantée dans la main et il la porta à sa ceinture, il avait dit qu'il la gardait. Il essuya ses yeux ensuite, laissant une trainée sanglante sur son visage. Il porta d'ailleurs un bref instant la main à ses lèvres avant de toucher le sang de sa soeur du bout de la langue. Cela aussi il ne l'oublierait jamais. 

Il se tourna ensuite vers l'homme.

"Vous avez votre réponse à mon choix. Faites moi escorter jusqu'à mes terres."

Et ce n'était plus un enfant, ni même un adolescent qui quitta la pièce, c'était Kelyan celui qui venait de tuer sa soeur, d'abandonner l'autre et de briser plusieurs vies. C'était celui qui ne voulait plus jamais ressentir une telle douleur. 

"Adieu Mélyssa, Adieu Mélyanna."

Mais dans ses adieux, seule la première pourrait, peut-être, un jour revoir le visage de son frère.

Mélyana avait cru probablement que sa grossesse la sauverait. C'était cruel mais si Kelyan devait faire un choix il serait celui de la préservation de la vie non? Elle le prit dans ses bras, reconnaissante. Saisissant aussi la main de sa jumelle .

Ils étaient ensembles, unis, pour la dernière fois c'était un fait mais l'avenir n'était pas si sombre, elle portait un enfant du clan et allait devenir précieuse, elle vivrait, seule, mais elle vivrait, elle ferait avec. Quand elle sentit le métal traverser ses chairs, ce fut l'incompréhension, non Kelyan avait fait une erreur, elle devait vivre.

Elle glissa au sol, sa jumelle ne rattrapa pas son corps mort. Sa soeur venait de perdre sa moitié, une partie de sa raison de vivre mais il lui restait la vie et donc du temps, du temps pour se venger. Le chef de clan n'avait rien dit, pas bougé d'un pouce, quand Kelyan prit sa dague pour la garder il acquiesça.

- Il en sera fait ainsi. Je gage que nous nous reverrons un jour Kelyan Scathfell. Comprenez que vous serez pas invité aux noces ni aux naissances, mais tant que votre soeur restera un uterus prolifique elle ne risquera rien et sera traitée comme une Mac Farell.

Mélyana morte, Mélyssa s'approcha de Kelyan, pas d'embrassade, elle posa juste sa main sur la sienne.

- Vis mon frère et venge nous.

Elle relâcha sa main alors que deux paires de bras l'attrapaient pour la sortir de la pièce. Dignement elle se laissa faire. Kelyan fut pour sa part renvoyé du côté des terres de sa famille. A pied ils mirent trois jours pour atteindre les limites des terres de sa famille. Une journée de plus pour atteindre le dernier col et Kelyan fut laissé la, seul, avec sa dague.

Peut-être que personne ne comprendrait ce qu'il avait fait, peut-être qu'il serait chassé de chez lui quand il raconterait les choses, mais il avait fait son choix et c'était celui de la vengeance et de la douleur. La douleur qui l'accompagna quand il quitta le castel, accompagné par les hommes du clan. Le trajet ne fut pas complexe pour eux, Kelyan marchait sans dire un mot, sans se plaindre et comme sans âme. Car il l'avait laissé dans cette cave cette âme d'enfant. Il n'avait pas non plus retiré le sang de la dague ni de son visage et il avait marché ainsi jusqu'à se retrouver seul. 

Il observa le chemin qu'il connaissait bien et il descendit vers sa famille d'un pas toujours égal. Son visage ne s'éclaira à aucun moment même quand il vit des lieux familiers ou des silhouettes connues. Non, il avança jusqu'à rencontrer un serviteur. 

"Toi ! Dis à mon père que Mélyanna est morte, tuée par un monstre, que j'ai tué un monstre moi-même, que Mélyssa est prisonnière des MacFaran et qu'il nous faut un laranzu puissant pour aller la libérer et détruire le clan dans son ensemble."

Et il le planta là, marchant vers sa chambre pour s'y enfermer.