Un jour à Hali [Emun Alton]

Une voix me fit me tourner brusquement. Emun. 

- Non, je ramasse des cailloux. Rosalys m'a suggéré de faire usage de mon don sur des rochers... Je trouve l'ouvrage un peu trop conséquent. De simples pierres feront l'affaire pour débuter, tu ne penses pas ?

Je lui souris. Emun me semblait un peu sombre depuis quelques temps... Le mariage de sa soeur y était sans doute pour quelque chose mais il aurait été indélicat d'aborder le sujet de manière frontale. Après une dernière pierre récoltée, j'embrayais la conversation.

- Tu te promènes ? Il n'a pas neigé aujourd'hui... Je commence à m'habituer au temps d'ici, il est plus sec qu'au sud de la Valeron.

Le ton acerbe me fit lever les yeux vers son visage.

Si la grande Rosalys, elle-même...

Je ne m'étais pas trompée, il y avait un souci.

- Ne t'excuse pas, il n'y a pas de mal, Emun...

Le voir dans cet état m'attristait, il avait perdu sa verve coutumière montrant un aspect de sa personnalité que je n'avais encore jamais vu. La réponse suivante m'éclaira encore davantage. Bien qu'il n'ait rien dit de tel, je me sentis intruse, comme si je troublais la paix de l'esprit qu'il était venue chercher. J'accueillis ses réflexions avec un sourire. C'était toujours plaisant de parler des plaines.

- Oh oui ! Il n'y a pas de montagnes, seulement des plaines jusqu'à l'horizon et le climat est bien plus doux. Et la mer... Les odeurs me manquent, ici rien n'est pareil. C'est très différent.

Je surpris un changement dans son regard, Emun s'interrogeait sur ce que je ferais des pierres ramassées et je les considérais dans mes mains jointes.

- Les casser mais je pense que l'entreprise est plus compliquée qu'avec une boîte en bois. Il y a une grande différence entre une construction et une masse compacte... Lors du test (j'évitais de nommer explicitement Rosalys), on m'a dit que je pourrais prévenir des avalanches par exemple... Alors... ça pourrait s'avérer intéressant. Tu veux que je te montre ? 

Je gardais le silence, cela n'aurait servi à rien à rester deviser sur le sujet.

J'écarquillais les yeux à la suite. 

- Comment ça, ça pue ?

Emun avait pris l'air si penaud que je me mis à rire.

- Pffff... c'est comme partout ailleurs. J'imagine que si j'allais à Armida non loin d'une tannerie, je dirais exactement ce que tu viens de dire. Va savoir où ton oncle est allé aussi... Je te parle des embruns, de l'odeur iodées des algues et le vent du grand large... J'adore quand il y a du vent... Les mouettes à tête rouge volètent dans le ciel en piaillant, couvrant en partie le bruit des vagues... Non, ça ne pue pas, Emun. Ca sent si bon...

En parler me donnait la nostalgie de chez moi.

Emun décida de m'expliquer la différence entre densité et construction. Armé d'un bâton, il dessina des formes dans le sol et je l'écoutais attentivement avant qu'il ne m'assure que je pouvais parler de Rosalys. Il en avait gros au sujet des Hastur. Le mariage lui restait entre la gorge visiblement. Ses explications ouvraient mon esprit à d'autres considérations. Je m'accroupis près de lui.

- Je vois... Tu crois que je pourrais agir sur des métaux ? Il faudrait que je m'essaie pour voir, je serais curieuse de voir ce que j'obtiens, je veux dire... si des points s'allument dans ma tête comme lorsque j'ai travaillé sur la boîte.

Tout d'un coup, Emun se fit plus explicite et je compris ce qu'il avait voulu dire.

- Ah mais tout s'explique ! Il est allé sur le port ! L'odeur est assez forte quand on n'est pas habitué... Cela n'est pas représentatif du domaine, voyons !

Il voyait la mer comme le lac de Mariposa. Je balançais la tête.

- Ôte-toi cette idée de la tête ! Un lac n'a rien à voir et puis en plus, ça sent pas la vase. Imagine juste l'immensité jusqu'à l'horizon... Si un jour nous allons en délégation à la tour de Daleureuth, je te promets que j'irai te montrer. Et pas à Témora.

Je ne pus m'empêcher de rire.

- Enfin, sauf si tu veux absolument marcher dans les pas de ton oncle, bien entendu... En ce cas, je pourrais te faire découvrir le marché aux poissons. Je crois que c'est encore pire !

Emun changeait d'humeur, je pouvais le voir à son visage et à l'expression de ses yeux qui devenaient plus vivants. Visiblement, il n'y avait pas que moi que mon don enthousiasmait. Je l'écoutais parler des structures mentales. J'acquiesçais.

- Je vois... Tu me prête ta dague que j'essaie de voir ? A part ma pince, je n'ai rien d'ouvragé sur moi.

Il était hors de question que je l'enlève.

Son air dubitatif me laissait penser qu'il ne me croyait pas tout à fait. Que lui avait-on raconté des plaines ? Je faillis le lui demander et puis... je n'osais pas. En définitive, Emun semblait emballé à l'idée de découvrir Daleureuth  et me signifia que je pouvais l'inviter. Je n'y avais pas songé et cette idée me donnait un nouveau sujet de réflexion. Je le considérais attentivement.

- Eh bien... pourquoi pas. Ce serait amusant et puis... je t'avoue que je serait contente de ne pas recroiser Francesco.

Je sentis un frisson me remonter l'échine en songeant à lui. Même en pensée, le gardien me mettait mal à l'aise. Mon esprit balaya son souvenir et je revins vers Emun, le sourire aux lèvres.

- Hum... Au prochain solstice peut être ? Il y aura tant à voir... Nous ne manquerions pas d'occupations, je te l'assure.

Evidemment, l'idée de visiter le marché aux poissons n'éveillait pas son intérêt. J'étais amusée de sa réaction, comment avait-il pu songer une seconde que je l'aurais envoyé là ?

- Je te taquinais... Jamais je ne t'emmènerais là à moins, bien sûr, que tu ne veuilles le voir de tes propres yeux. 

Comme tout mécanicien qui se respecte, Emun préférait travailler dans son laboratoire et il ne se fit pas prier pour me le dire. Toutefois, il tira sa dague et me la tendit en m'enjoignant de ne pas me couper. Je la pris, elle était marquée du sceau des Alton. 

- Ne t'inquiète pas, je ferai attention.

Je réalisais un peu tard qu'il s'agissait d'un objet très personnel et que j'aurais dû trouver un autre sujet d'étude... C'était trop tard à présent pour revenir en arrière. Je pris ma pierre étoile à l'intérieur du sachet de soie que je portais autour du cou.

- Je vais juste regarder...

Je partis m'asseoir sur un tronc d'arbre tombé au sol et posant la dague sur mes jupes, je plongeais mon regard dans les reflets bleutés de la pierre étoile. Au début, je ne vis rien de plus que cette immensité bleue qui m'aveuglait. Quelques souffles plus tard, la forme du poignard apparut avec un réalisme impressionnant. Mon esprit s'approcha plus près, pénétrant le métal. Je vis nettement ce à quoi ressemblait de près. Comme à mon habitude, je notais mes observations à voix haute.

- La surface n'est pas lisse, elle est recouverte d'aspérités et petites cristallisations de métal. On dirait de petits cônes... Pas partout, non pas partout... Sans doute lié à la variation de la chaleur.

Plongeant plus profondément, je remarquais de nombreuses couches juxtaposées les unes sur les autres. Il s'agissait du travail du forgeron qui avait fabriqué l'outil, pliant le métal de nombreuses fois en tapant dessus avec son marteau et qui maîtrisait l'art de la trempe. La dureté du poignard était plus forte sur le tranchant qu'au cœur de la lame. C'était quelque chose de différent que je n'avais encore jamais vu et si intéressant que je restais m'abîmer dans cette observation analytique, considérant les molécules agencées ensemble dont la forme changeaient considérablement dans les petites cristallisations. 

- Oh, ici le métal s'est transformé !

Le verre avait des propriétés cristallines intéressantes, il m'avait suffi de repérer les petites chaines de molécules et d'exercer une légère pression pour les casser, la brisure avait été nette. La boîte en bois m'avait ouverte à d'autres perspectives, j'avais appris que je pouvais agir sur des constructions solides. Là c'était encore quelque chose de différent... Je sortis de ma transe et repris une inspiration.

- Une belle arme, il n'y a pas de vices cachés. Très solide. Tu avais raison... j'ai vu toutes les fois où l'artisan a plié le métal pour la forger.

Je détaillais la dague une nouvelle fois avant de me relever pour la lui tendre. 

- Excuse-moi, je n'aurais pas dû te la demander. 

Bien sûr, il faudrait s'assurer que les activités de la tour leur permette de s'échapper une décade... 

- J'en informerai ma mère, elle sera sûrement ravie de nous recevoir. D'ici là, les écrans seront certainement opérationnels, cela nous évitera le désagrément d'une longue route. La dernière fois, j'ai trouvé le voyage pour Neskaya interminable. Je t'assure que je connais chaque caillou sur lesquels nous sommes passés...

Il me semblait qu'Emun se détendait au fil de la conversation, il n'y avait qu'à voir son large sourire... C'était une bonne chose si j'avais pu l'aider à estomper ses contrariétés. Le mariage de sa soeur avait été perturbé d'une bien étrange façon et il était naturel qu'il s'en inquiète. 

La discussion légère ne dura pas et s'orienta sur nos compétences respectives. Je ne m'en était pas aperçue, mais il me monitora durant l'expérience et me donna ses conclusions. Tout portait à croire que mes canaux réagissaient de la même manière que pour ceux qui assemblaient les treillis de matrice, à quelque chose près... 

- Je n'y avais pas songé. D'un autre côté, je n'ai jamais vu comment les mécaniciens travaillaient...

Il songeait que son approche de monitrice n'était pas la bonne. Je concédais que j'avais travaillé de manière instinctive, comme j'aurais pu le faire pour monitorer quelqu'un... Ce don était si particulier et j'avais appris seule jusqu'à ce qu'à Neskaya Ethan et Rosalys ne m'aiguille sur les ouvrages à entreprendre. Je ne ressentis pas le moindre découragement en dépit de la somme de connaissances qu'il me faudrait acquérir et le nombre d'expériences à tenter. Au contraire, je me sentais fébrile.

- Je pense que toute approche différente serait intéressante. Je n'ai agi qu'au regard de ce que j'ai appris, Emun, ou de ce qu'on m'a voulu bien m'apprendre... 

Francesco s'en était bien fiché de ce que je pouvais apprendre... J'en conservais une grande amertume. Était-ce ma faute si je n'était pas née homme ?

- Nous en parlerons à Ranald au retour. Je veux bien m'ouvrir à d'autres techniques pourvu que cela m'aide à progresser. Je sens bien que ma façon de faire est un peu limitée...

Emun reprit sa dague en souriant, il m'expliqua qu'il n'en avait pas vraiment l'usage et qu'elle avait surtout une valeur sentimentale. 

- Je le comprends très bien. Il y a longtemps à l'occasion d'un solstice, ma mère m'a offert un rryl, j'y tiens beaucoup. Je pourrais utiliser un autre avec un plus grand nombre de cordes mais... je le préfère à tout autre. J'ai toujours l'impression de jouer pour elle lorsque je m'y mets. Je crois que cela se rapproche beaucoup de ce que tu ressens, non ?

Je l'observais en souriant.

Un sourire fut ma réponse.

- Je sais, c'était une plaisanterie. Bref... Si tu préfères, je peux essayer de nous téléporter mais ce sera une expérience. Je plaisante encore... Je n'ai jamais essayé de transporter quelqu'un. Il faudra que j'essaie un jour !

J'avais réussi récemment à téléporter une grosse bûche... Evidemment, j'évitais de lui rappeler cet épisode.

Emun appréciait voyager à cheval, ce qui n'était guère étonnant de la part d'un Alton. Je me sentis très bête de devoir lui avouer que l'équitation ne faisait pas partie de mes compétences. Il me trouverait sans doute cruche. Sans que j'en connaisse les raisons, j'étais ennuyée qu'il puisse me considérer de cette façon.

- C'est que, vois-tu... Hum... je ne monte pas très bien. Je sais, pour un Alton, ça doit sembler impensable...

Dans ma tête, j'évaluais les distances : Hali-Thendara, Thendara-Valeron, Valeron-Daleureuth. A la fin du voyage, j'aurais sans doute la peau des fesses tannée comme une vieille selle de cuir. 

Emun se récria, scandalisé, je haussais les épaules. A mon âge, je me retrouvais encore novice dans le contrôle d'un dona dont tout le monde ignorait le fonctionnement et les limites. 

- Je suis juste soulagée d'être partie de là-bas. Tout ne pourra aller que mieux désormais. J'ai l'opportunité d'apprendre et d'être guidée à Hali, ça n'a pas de prix. Jamais je n'aurais pu évoluer autant à Daleureuth.

Sa proposition était intéressante, je lui souris, surprise de son enthousiasme. 

- J'ai hâte de commencer ! Tu crois que Ranald sera d'accord ?

J'étais touchée par sa volonté de m'aider, il ne le savait pas mais je n'avais jamais reçu pareil soutien auparavant. Il y avait tant d'autres femmes qui n'avaient pu avoir ma chance... Je tripotais les pierres dans mes poches, considérant la neige légère qui recouvrait certains arbustes.

- Je te remercie, Emun. Sincèrement...

Je me retournais vers lui, ces quelques mots ne reflétaient que peu ce que je ressentais. Sans doute qu'il aurait été plus facile de le lui expliquer via l'esprit, ce que je ne pourrais jamais faire...

Je l'écoutais sans mot dire. N'étant pas télépathe, je n'aurais jamais l'opportunité et le privilège de connaître ce dont il parlait. Je l'acceptais comme toutes les choses que je pouvais pas changer. Ethan m'en avait entretenue à Neskaya, soucieux de savoir si j'en gardais une amertume... J'appartenais à Hali, consciente que j'y avais un statut particulier et je n'en ferais jamais partie complètement comme Octavia ou Emun, comme tous les autres. Soucieuse de le ménager, je n'ajoutais rien de plus que quelques mots plats qui servaient ses propos.

- Bien sûr...

Je hochais de la tête à la suggestion suivante.

- Avec plaisir. Cela me dégourdira les doigts.

Je lui agitais mes douze doigts sous le nez en souriant pour alléger la discussion.

Tenir sur un cheval ? Emun ne se rendait vraiment pas compte de mes capacités... Je hochais de la tête alors qu'il me disait qu'il me restait six lunaisons pour être au point. Je me mis à réfléchir, considérant plus attentivement sa suggestion. A raison d'un entraînement tous les jours, je pourrais sans doute faire quelques progrès. Enfin... je l'espérais. Je levais mon visage vers lui en souriant.

- Grâce à toi, je sais désormais ce que je ferai de mon temps libre. On me trouvera à l'écurie plus souvent qu'à mon tour  !

Emun pensait que Ranald ne s'opposerait pas à cette idée, je commençais à songer au travail en laboratoire et l'aide aux artisans comme si tout cela était désormais presque à ma portée. D'un coup, je me sentais d'humeur plus légère. Je ne pouvais m'empêcher de sourire d'un air satisfait en songeant qu'un vrai travail de recherches et d'expériences s'offrait à moi...

Cette tour était vraiment extraordinaire. Emun m'assura que tout le monde en aurait fait de même à sa place, j'avais une sacrée chance. Emue, je conservais le silence sans remarquer l'émotion qui s'était emparée d'Emun. Je me retournais vers lui lorsqu'il me questionna sur mon nouvel environnement. Pour toute réponse, je hochais vigoureusement la tête.

- Oh oui ! C'est encore la découverte mais j'apprécie vivre à cet endroit. Et le lac... J'en avais entendu parler comme tout le monde... C'est ce que j'ai voulu voir en premier !

Alors que je lui agitais les doigts sous le nez, Emun avait saisi mes mains dans les siennes. Surprise, je m'immobilisais aussitôt, croisant son regard l'espace d'une seconde. 

- Oh... 

Qu'est ce qu'il avait dit ? Que j'avais les mains froides.

- Les tiennes sont chaudes...

C'était complètement idiot comme réponse... C'était n'importe quoi même ! Par Zandru, qu'allait-il penser ? Je sentis le sang affluer à mes joues et je me dégageais lentement, le coeur battant à tout rompre.

- Hum, c'est une bonne question ! Je te laisserai choisir !

Je ne pus m'empêcher de rire doucement.

- Tu as sans doute raison, ce sera l'opportunité de prendre l'air. Je ne connais pas les alentours, il y a sans doute de jolis endroits à découvrir !

Si Emun me trouvait niaise, en tous les cas il était assez poli pour ne rien en dire, ce qui était heureux. Un rire s'éleva et tandis que je me tournais vers lui encore sous le coup de la gêne, je le découvris riant comme un sac de noix qui descend l'escalier. Je me plantais devant lui un peu amusée quand même de le voir hilare, c'était une réaction inespérée, je devais bien le dire...

- Sortir en bras de chemise ?

Je sentis un frisson me remonter l'échine.

- Ah pas du tout ! Il fait froid, me plaignais-je. Je t'assure, à Daleureuth, il fait bien meilleur...

Sortir en bras de chemise, quelle idée !

Je le considérais fixement à la question suivante. 

- Des moufles ?

Ah oui... les mains froides... J'avais encore la sensation de ses mains chaudes comme des petits pains, je m'éclaircis la gorge. Cette idée était réellement... Heureusement que Octavia n'était pas là à nous écouter, j'aurais droit à ses petites remarques piquantes plus souvent qu'à mon tour.

- Heu non, je n'ai pas de moufles. Je n'en ai jamais eu besoin jusqu'à maintenant. Tu en as toi ?

Cette discussion était... Je balançais la tête, je n'arrivais plus à réflechir correctement.

Le voilà qui m'expliquait à présent ce qu'était une moufle ! Je clignais des yeux, ne sachant quelle réaction adopter. Je choisis d'en rire parce qu'en définitive, cette conversation était assez drôle. Le regard amusé que je lui renvoyais était éloquent.

- C'est vrai ? Et moi qui ignorait tout de cela. Il doit y avoir tant de choses que tu sais et moi pas. C'est incroyable, non ?

J'avais l'impression qu'il se moquait de moi. Alors que je tentais de contrôler l'expression de mon visage, je ne pus me retenir de sourire devant son air taquin.

- Ce n'est guère gentil de te moquer... C'était stupide de te dire cela, je le sais... Cela m'a... échappé. Cela ne t'arrive jamais de dire des choses incongrues dans des situations... 

Hochant vivement de la tête, je reformulais la question, peu prompte à me montrer plus explicite, intimidée par le ressenti soudain d'une certaine pudeur.

- ... dans certaines situations ?

Je plongeais mes mains dans mes poches et sentant les contours des pierres sous mes doigts, j'entrepris de les faire tomber sur le sol. Elles ne me serviraient à rien...

Je repris sur le même ton. On verrait bien qui de l'un ou de l'autre l'emporterait !

- Tiens c'est étonnant, si on me l'avait dit je ne l'aurais jamais cru ! Comme quoi, on croit connaitre les gens, on se méprend totalement ! Je me demande ce que j'ignore encore...

Je pinçais les lèvres, riant intérieurement même si dans le fond, je me posais exactement cette question. Qu'ignorais-je de lui ? Il me semblait si différent des hommes dont j'avais fait la connaissance.

Il revint sur le sujet avec une grande douceur dans la voix. J'allais laisser tomber la dernière pierre lorsqu'à ma grande surprise, Emun la prit et la glissa dans sa poche. Il déclara qu'il préférait la garder dans le cas où j'aurais voulu m'entraîner sur de la pierre plus tard. Je hochais de la tête silencieusement alors qu'il conservait mes mains dans les siennes. C'était quelque chose de nouveau et j'avais peine à identifier ce que ce geste signifiait. Emun était proche des personnes de son cercle, il me l'avait dit à plusieurs reprises. Etait-ce une façon de me faire comprendre qu'il me traitait comme les autres ? Je répondis du bout des lèvres, l'esprit occupé par ces questionnements.

- Tu as raison.

Je fis un pas, portant mon regard par delà le lac en direction de la tour qui nous attendait. Ses derniers mots me firent me tourner vers lui.

- J'en suis heureuse, également, Emun.

Je lui souris et sentis mon coeur battre plus rapidement.

D'un mot, il ferma le débat d'une manière si expéditive que je ne pus m'empêcher de le regarder avec surprise. Son expression avait changé me semblait-il, il me toisait de toute sa hauteur en silence.

Je clignais des yeux en le voyant hésiter? Que voulait-il me dire pour qu'il prenne autant de gants ? Je l'interrogeais du regard, l'encourageant à poursuivre, à dire ce qu'il n'osait pas dire.

- Oui ?

La suite n'était pas si éclairante. Il désirait rentrer, je hochais de la tête.

- Bien sûr... Rentrons.

Cela, je le lui avait déjà dit. Voulait-il me montrer son laboratoire ? J'impulsais un mouvement et fit quelques pas en direction de la tour.