Du côté de chez Dom Orain Leynier

Du côté de la demeure d'Orain Leynier

Elles s'étaient retrouvées séparées pendant plusieurs trop longues années et depuis ce printemps,  @Amalia di Asturien et  @Allira di Asturien ne se quittaient plus. Elles savaient que les festivités de Mabon seraient d'une grande ampleur sur les terres de Neskaya. Aussi avaient-elles demandé à leurs parents la permission de s'y rendre. Après quelques missives échangées avec le Seigneur Orain, il fut décidé qu'elles y passeraient ensemble quelques jours accompagnées de leur vieille nourrice et garante de bonne conduite et qu'elles logeraient dans la maison de Ville du Seigneur. Cela faisait déjà deux jours qu'elles étaient arrivées mais elles étaient loin d'avoir vu l'ensemble de la ville ou de la foire.

@Tomas MacBride  avait dû argumenter pour convaincre Raul-Gabriel qu’ils trouveraient certainement un intérêt à honorer Neskaya de la présence du Hastur. Tous les comyn ne feraient pas le voyage mais personne ne pourrait oublier que  @Raul-Gabriel Hastur  lui-même s’était déplacé. Il pourrait peut-être même convertir quelques membres de sa caste qu’il n’y avait aucun intérêt à se complaire à arborer des bottes boueuses. A tomas de se débrouiller pour qu’aucun croquant ne vienne se frotter à lui.

Le grand jour était enfin arrivé ! D'ordinaire assez calme, Amalia ne tenait plus en place ce matin, ce qui aller se traduire par un débit de paroles un peu plus rapide et un réveil aux aurores. Quoi que son excitation avait peut-être plus à voir avec le fait qu'elle allait partager ce moment avec sa jumelle. Les deux sœurs avaient déjà entrepris de se familiariser avec les lieux depuis leur arrivée, mais étaient loin d'en avoir fait le tour. Chaque arrêt était l'occasion de partager un souvenir ou une anecdote qu'elles n'avaient pas eu la possibilité de vivre ensemble. Conséquence logique, leurs sorties s'étaient étirées sans fin pendant deux jours et elles n'avaient pas encore vu la totalité de la ville et de la foire.

Elles avaient continué à discuter jusqu'à tard dans la nuit, mais cela n'empêcha pas Amalia de se réveiller tôt. Le sommeil la fuyait, elle était outrageusement heureuse et de bonne humeur pour perdre son temps à dormir. Elle ne quitta pourtant pas son lit immédiatement pour profiter encore un peu de la chaleur des couvertures et méditer sur les derniers mois écoulés.

Amalia quitta les draps quand elle estima qu'elle ne paraitrait ni trop zélée, ni trop fainéante. Elle fit ses ablutions en chantonnant doucement et s'habilla sans aide. L'aînée des jumelles n'était pas particulièrement coquette, mais elle fit un petit effort pour l'occasion, il n'y avait après tout pas de mal à se sentir apprêtée de temps en temps.

Quand elle se jugea satisfaite de sa mise, elle ouvrit en grand les rideaux de la chambre pour faire entrer les premières lueurs de la journée dans la pièce et réveiller sa jumelle. Elles avaient demandé à partager la même chambre, ce qui montrait bien qu'elles n'avaient ni besoin ni envie pour le moment de se quitter, même pour dormir.

- S'dia shaya breda, il est l'heure de se lever. Je meurs de faim !

Amalia s'assit sur le bord du lit, les jupes relevées juste assez pour être plus à l'aise. Elle exsudait le plaisir de simplement se retrouver si proche de sa jumelle à travers leur lien si particulier. À n'en pas douter, il y avait pire comme réveil.

- Oui, je suis vraiment une horrible sœur.

Rien n'indiquait, au ton de sa voix, qu'Amalia était contrariée en disant cela. Elle observait plutôt l'air dramatique de sa jumelle avec un sourire indulgent. Elle aurait pu tirer la couverture, ce qui aurait définitivement tiré Allira de son sommeil, mais elle n'était vraiment pas si horrible que cela. Qui plus est, il n'y avait pas le feu à la maisonnée, personne ne s'attendait surement à ce qu'elles se lèvent en même temps que le soleil sanglant alors qu'elles étaient en villégiature loin de chez elles.

Dans leur chambre, il n'y avait personne à impressionner, aussi Amalia prit-elle ses aises et s'allongea-t-elle à moitié (et à Zandru ses cheveux !) en attendant que sa copie se décide enfin à arrêter de maugréer sous ses couvertures et se prépare pour le petit-déjeuner. Elle commença à parler peu de temps après, parce que le silence n'était pas quelque chose dont elle avait l'habitude. Elles savaient grâce à leur nourrice que leurs parents leur avait offert la possibilité de se faire un petit plaisir lors de ces festivités de Mabon, même si quitter les terres familiales était un plaisir bien suffisant, surtout pour Amalia qui n'avait jamais vraiment quitté le domaine jusqu'à présent. Bref, elle revint sur ce qu'elles avaient déjà vu, sur ce qui leur restait encore à voir et à goûter, du dîner qui s'annonçait le soir même et de tout un tas d'autres choses sans grand intérêt certainement. Mais le temps passa plus vite pour elle de cette manière et finalement, le grand moment arriva : Allira était prête !

- Alors ils vont devoir en préparer deux, je n'ai jamais autant mangé que ces deux derniers jours ! Je ne rentrerais plus dans mes robes en revenant à la maison.

Amalia avait quitté le lit en disant cela. Elle remit quelques mèches en place pendant qu'Allira pendait sa robe, pour ne pas paraître trop ébouriffée, puis prit la direction du couloir, tenant la porte à sa sœur avant de suivre ses pas. Elle eut un petit rire mental à sa réflexion.

Tu vas pouvoir te faire ton avis s'il nous fait la grâce de sa présence au petit déjeuner.

Même du point de vue d'Amalia, il était bien plus intéressant qu'elles aient que l'apparence physique en commun. Les différences n'étaient peut-être pas si visibles lorsqu'elles étaient enfant, mais aujourd'hui, il y avait ce contraste dans la posture ou le regard qui les différenciait pour peu qu'on les observe bien. Mais à n'en pas douter, ces qualités propres feraient bien l'affaire de quelqu'un un jour, tout comme la confiance en soi d'Allira attirait le regard des hommes aujourd'hui.

Elles arrivèrent finalement à la salle du petit déjeuner, vide à l'exception d'un serviteur. Amalia le remit tout de suite, habituée qu'elle était à observer et écouter sans qu'on fasse attention à elle. C'était le serviteur qui accompagnait l'Hastur qui rendait si curieuse sa cadette. La di Asturien le salua poliment et s'enquit du troisième invité de Dom Orain.

- Dom Raul-Gabriel se joindra-t-il à nous ? Devons-nous l'attendre ?

Sa question n'était bien sûr pas intéressée, elle n'avait absolument pas faim et tous les mets sur la table ne l'appelaient pas du tout !

Personne n’est jamais assez bien né pour un Hastur… ou m’aurait-on menti pendant toutes ces années ?

Bien sûr, elles se moquaient gentiment du retardataire et l’une comme l’autre aurait certainement préféré être détrompée sur le caractère de celui-ci. Si seulement…

Et la taquinerie de sa jumelle toucha dans le mille sans trop de mal. Amalia détourna le regard, soudain incapable de regarder en direction du serviteur, comme si ses pensées pouvaient être lues dans ses yeux. Il allait vraiment falloir qu’elle apprenne à ne plus se laisser déstabiliser par la malice de sa jumelle.

Je fais confiance en ton jugement breda.

C’est ce moment que choisit le dernier invité de dom Orain pour se montrer et répondant par la même occasion à la question qu’elle avait posé au serviteur. Amalia cligna plusieurs fois des yeux et son regard passa de l’Hastur à sa sœur, pour finalement revenir vers l’Hastur. Elle avait grandi dans l’ombre de sa cadette toute sa vie, notant année après année les changements. Si Amalia était une ligne invariablement droite et sans à-coup, Allira était une courbe montante dont rien ne venait gâcher l’ascension. Elle brillait sans avoir besoin de faire d’effort. Amalia avait en face d’elle le parfait contraire de sa sœur de ce point de vue. Sur dom Raul-Gabriel, tout paraissait avoir été étudié pour ne faire ressortir que la beauté, sans plus laisser aucune place au naturel. Il brillait aussi, certes, mais d’une toute autre façon. Il ne devait jamais avoir de problème de cheveux décoiffés après une journée de corvées domestiques, Amalia en était presque jalouse !

- S’dia shaya dom Raul-Gabriel, su serva.

La di Asturien prit place à table. Il n’y avait à priori pas de chervine prévu pour le petit-déjeuner, mais son estomac se satisferait très bien de ce qui était proposé à la place.

- La foire s’étend sur une grande portion de la ville, ajouta-t-elle à la suite de sa jumelle à sa mention des éventuelles prévisions du dom. Nous sommes arrivées il y a deux jours déjà mais nous n’avons pas encore vu tout ce qu’il avait à voir.

Si tant de monde se déplaçait jusqu’à Neskaya, c’était bien pour cela. Mais peut-être était-ce parce qu’elles parlaient plus qu’elles ne marchaient si elles n’avaient pas encore fait le tour de la foire et de la cité en deux jours.

Amalia ne retourna pas son regard en coin à sa sœur, mais elle n'avait pas besoin de cela pour savoir qu'elles étaient sur la même longueur d'onde. La jeune fille n'avait pas l'habitude des grands rassemblements, elle avait côtoyée bien moins de personne différente que sa cadette de quelques minutes, mais elle n'avait jamais entendu personne parler d'elle-même de cette façon. Enfin, cela collait avec l’image que se donnait dom Raul-Gabriel et c'était certainement l'effet qu'il recherchait.

- Très, répondit-elle à la question polie de l'homme en face d'elle. C'est très dépaysant et excitant de croiser tant de personnes venant d'horizons tellement différents.

Bien entendu, ils étaient tous des habitants de Ténébreuse, mais ils n'avaient pas la même façon de parler ou de se comporter suivant s'ils venaient des plaines ou des lointaines montagnes.

C'est sur ces entrefaites que fit son apparition la di Asturien suivante. Un blanc se fit dans la conversation à son arrivée et Amalia lui adressa un sourire pour qu'elle ne se sente pas trop mal.

- S'dia shaya Lyana, tu as bien dormi ?

La jeune fille la suivit du regard pendant que Lyana s'attablait à son côté et se remémora les décades précédentes. L'arrivée de leur cousine avait été une petite révolution au sein de leur maison. Amalia, comme à son habitude, avait laissé trainer ses oreilles quand on faisait le moins attention à elle et elle était au fait du drame qui l'avait conduite à passer sa vie au sein d'une sororité de Renonçantes. Enfin... sa vie jusqu'à ce que sa famille récupère la garde de leur membre. Amalia avait essayé du mieux qu'elle avait pu d'adoucir le choc que ce changement d'environnement avait dû causer à leur jeune cousine, tâche qu'elle avait quelque peu délaissé depuis le retour de sa jumelle. Difficile de penser à une quasi-inconnue quand sa tête et son cœur étaient seulement emplis par sa sœur.

Oubliant momentanément Allira et dom Raul-Gabriel, Amalia se tourna vers Lyana qui mangeait d'un bon appétit. C'était signe de bonne santé et peut-être un signe qu'elle commençait à s'habituer à sa nouvelle vie.

- Tu veux autre chose en particulier ?

La di Asturien s'accommodait des prérogatives du serviteur de l'Hastur, mais il s'agissait d'un petit déjeuner, un moment qui était et devait être convivial, et tant qu'elles avaient au moins un bras valide, elles devraient pouvoir s'en sortir par elles-mêmes.

 
 

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