La fête de Mabon

La jeune Aillard écoutait Irmelin tout en déambulant à ses côtés. Arrivées à la table désignée, elle s'installa tout en restant concentrée sur la conversation. Elle ressentait la fierté et le soulagement chez sa parente. 

- Tu as identifié les fragilités du bois ?!

Octavia restait couate. Décidément, le Laran était bien plus vaste que son imagination l'envisageait. 

- Mais tu peux faire pareil avec du métal ? Un corps humain ? Un liquide ?


L'imagination d'Octavia s'enflammait au fur et à mesure du potentiel du don d'Irmelin. 

- Je comprends pourquoi TU as été choisi pour participer à la reconstruction de Hali. Ton talent sera précieux dans les prochaines semaines. Mais pour ma part... Je ne comprends pas. Tout s'est bien passé. Le Gardien Mikhail est une personne honorable, patiente et compréhensive. Je lui ai montré comment fonctionnait mon Don et il semblait intéressé par ses aspects pratiques. Je lui ai montré les petits cubes que je vois chez les gens et qui semblent être liés au Laran de chacun et à la palette des talents de chacun. Autant te dire que ca ne facilitera pas la tâche des constructeurs et des architectes ! 

Octavia devient hésitante, jette des regards autour d'elle puis se rapproche de sa cousine et baisse la voix pour n'être entendue que d'elle seule


- Tu as vu le gardien de Hali ? Il semble plus jeune que nous... Que connais-tu de lui ? L'as tu déjà rencontré ? 

J’étais confortablement installé à deviser avec ma sœur quand elle était apparue, drapée dans un voile de dignité, j’avais bien tenté d’accrocher son regard mais je semblais invisible à ses yeux, pas grave j’y reviendrai plus tard tout simplement. Par contre j’avais senti un froid intense parcourir mon corps et le regard d’un homme à ses côtés m’avait transmis une impression de …avertissement ? Je devais me faire des idées ! Je manquais d’alcool pour réchauffer mon corps c’est tout.

Une jolie petite jeune fille en fleur s’installa à nos côtés et je la saluais ainsi que la Domna à ses côtés avec politesse et simplicité, les flonflons c’était pas mon truc.

- Ben dia damisela, vai domna. Un plaisir que de partager cette table en votre compagnie ce soir. Dorian Storn su serva.

J’en étais là quand une pauvre gamine se prit les pieds dans quoi ? Allez savoir et bouscula un serviteur qui fit tomber de la viande, zit alors ! Mais surtout c’était la faute de cette gamine écervelée ! Qu’elle apprenne à marcher et se tenir. Je n’ai pas entendu ce que disait Maura mais je me tournais vers ma sœur.

- Eh bien elle doit faire honte aux siens avec ses deux pieds gauches celle ci.

Ethan haussa les épaules , un geste bref et imperceptible pour le commun des mortels mais pas pour Roz qui avait appris à lire en lui comme dans un livre ouvert dans chacun de ses gestes si infimes.

- Il sait que nous sommes enfin que tu es ici, il ressent ta présence votre lien a toujours été fort la proximité l’accentue forcément.

Il sentit sa fidèle compagne glisser son regard sur le jeune Hastur assis à la table du Dom Orain, qui présidait en qualité de Seigneur du lieu, mais pas en maitre des festivités… Cela fit sourire le gardien d’Arilinn au demeurant. L’homme avait compris son regard et avait tourné le sien promptement, de toutes façons il n’avait reçu qu’une absence de réaction à son regard, Roz ne pouvait regarder un tel homme c’était ainsi et cela le resterait.
La suite était surprenante même pour lui il avait parlé sans se soucier des conséquences, une erreur rare chez lui néanmoins son esprit voguait rapidement et il poursuivit.

- La première et celles que tu souhaiteras, oui je songe danser ce soir, il y a dans l’air quelque chose qui m’y incite.

Elle semblait aller bien, ce qui était pour le moins heureux. Si elle ne s'était pas sentie bien, Kelyan aurait pu passer plus de temps avec elle, mais non ! Mais si physiquement, elle était visiblement indemne, psychiquement cela n'avait pas l'air d'être le cas. 

Déjà parce que, même sans être empathe, sa gène se voyait, mais aussi parce qu'elle laissa sa pensée s'égarer sans prendre garde à ses barrières. Le jeune homme ne réagit pas pour autant, la laissant se reprendre, marque rare d'amabilité. 

"Ne vous en faites pas, tout le monde peut faire des erreurs."

Il lui sourit d'une manière amicale avant d'ajouter.

"Kelyan Scathfell Damisela, su serva."

Maintenant qu'il s'était présenté, il devait juste espérer qu'elle n'allait pas lui donner le nom d'un domaine totalement ennemi du sien, sinon cela serait complexe de justifier de passer du temps avec elle. Car, elle n'était clairement pas vilaine à regarder et, s'il cherchait encore le gamin pour en apprendre plus sur lui, il préférait nettement passer du temps en compagnie d'une jeune femme, aussi maladroite soit-elle. 

Mais en même temps, si elle était d'un domaine ennemi, il pouvait rester avec elle, car ne disait-on pas qu'il fallait garder ses ennemis proches de soi pour pouvoir connaitre leurs desseins... Finalement, peut-être qu'elle devait venir d'un ennemi mortel et implacable, comme ça il pourrait la garder très très proche de lui. Et si sa cousine voulait aussi être surveillée de près, cela ne dérangerait pas Kelyan qui voulait bien se sacrifier pour la soirée.

J’observais Dyan et sa tante, la Domna Leynier forcément. Les souvenirs de cette soirée passée à Armida me revinrent bien en tête et cela m’arracha malgré moi un sourire, une autre vie oui.

Il me répondit avec des paroles équivoques et je me décidais à jouer, j’aimais cela après tout.

-          Les souvenirs sont souvent magnifiés par le temps qui passe. Et je ne peux oublier la fougue de ce vieil Aldones. Est-il encore de ce monde ce bel étalon ?

Après tout je lui devais une victoire mémorable il fallait ne pas l’oublier. Il s’adressa ensuite avec une politesse tout noble à notre… cousine… j’avais pourtant réussi à l’oublier elle, quel dommage qu’elle trouve toujours le moyen de se rappeler à moi. Je ne dis cependant rien et j’observais sa gaucherie naturelle, mais était-elle responsable de n’avoir reçu qu’une éducation de roturière parmi ses femmes guerrières ? Je la plaignais finalement.

Le jeune Hastur semblait mutique maintenant, que lui arrivait-il ? Avait-il vu le diable ?

 
 
 
 
 

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

Amalia garda la main de sa sœur dans les siennes, pour ajouter le contact physique au contact mental. Leurs parents n’avaient vraiment pas conscience de la tornade de jupons qu’ils avaient créé en décidant de marier Allira sans même lui en toucher un mot avant. C’était peut-être chose courante, mais par les Dieux, ils n’étaient pas obligés de suivre cette « coutume » détestable.

Si un mariage n’est pas l’occasion rêvée de réclamer de nouvelles robes, quelle occasion peut l’être ? Tu as bien raison de pousser ton avantage.

Allira confirma donc qu’il s’agissait bien de cet Alton sur lequel elle avait tenté de faire ses griffes quelques années auparavant. Elle lui en avait fait une description détaillée bien sûr, mais maintenant qu’elle l’avait sous les yeux, elle comprenait d’autant mieux. Amalia ne pouvait pas non plus s’empêcher de faire la comparaison avec Ian vu le matin même. C’était comme comparer le jour et la nuit. Bien sûr, elle ne partagea pas cette pensée avec sa sœur.

Et puis qu’importait si elle paraissait audacieuse, elle l’était seulement dans l’intérêt de sa jumelle. Nul doute que le nouveau venu allait très vite oublier sa présence pour se concentrer sur Allira et c’était tout ce qu’Amalia voulait. À voir l’air ahuri de Dyan et Allira prendre les rênes de la conversation, l’aînée avait atteint son but pour le moment.

Je pense pouvoir dire sans me tromper qu’il te fait presque autant d’effet que tu sembles en avoir sur lui.

À défaut d'être le centre de l'attention, elle avait appris à observer silencieusement. Amalia pouffa mentalement et dirigea son attention sur Lyana qui répondit à la question polie de l’Alton. Elle lui rendit son regard, un sourire en plus, notant au passage qu’elle avait changé de tenue elle aussi pour la soirée. Amalia était plutôt contente que certains de ses enseignements aient porté leur fruit.

- Notre cousine, précisa-t-elle aux présentations de Lyana. Mieux valait éviter une nouvelle esclandre. As-tu pu profiter de la foire et t’offrir un souvenir ? demanda-t-elle finalement à sa parente.

Elle n’avait pas eu l’occasion de la croiser depuis le petit-déjeuner, mais elle savait qu’Allira avait partagé à parts égales le petit pécule que leurs parents leur avait donné pour leur escapade à Neskaya.

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

Le jeune homme qui me portait attention était d’une grande gentillesse à n’en pas douter un instant, il ne me jugeait pas sur ma maladresse c’était un fait assez rare pour être noté. Je peinais cependant à cacher ma gêne.
J’inclinais la tête respectueusement à ses présentations et répondit de la même façon espérant oublier tout cela bien vite.

- Cleindori Ardais su serva Dom Kelyan.

Ma vieille Bruna se tenait à l’écart, elle n’était pas intervenue pour d’obscures raison, peut-être pour me montrer que j’avais encore besoin d’elle ? Allez savoir. Je pensais que le pauvre serviteur allait cesser d’insister et me permettre de me faire oublier mais non. Et le pire ? Il était juste gentil et agréable, tout était ma faute. Le pompon c’est quand une femme débarqua pour le houspiller et le… renvoyer ? Non mais ce n’était pas juste du tout.

J’avais les joues toujours aussi rouges et la honte sur moi mais mes parents étaient des gens honorables et surtout très rigides avec les questions d’honneur et de devoir et pour le coup… Je restais sans voix lors de cette scène cherchant le courage d’intervenir et alors que le jeune serviteur tournait le dos je dis un peu fort.

- Attendez restez ici !

Comment avais-je osé ? Me tournant vers la femme qui déjà triturait elle aussi mes jupons pleins de tâches et perdus pour la soirée j’ajoutais.

- Ne le blâmez pas pour ma maladresse Mestra. Il n’est pas reponsable de cette catastrophe, c’est mon entière faute. Ne le privez pas de son gagne pain.

Je soupirais consciente que je me ridiculisais encore puis afin d’enfoncer le clou final.

- Laissez mes jupons tranquille, faites ce que vous avez à faire, les gens attendent que vous leur serviez ce banquet, ma dignité survivra.

Je n’y croyais pas un instant mais je tournais le dos à ce gâchis espérant trouver réconfort ailleurs, un regard compatissant en somme et que vis-je ? Le regard sombre de la belle technicienne de ma future tour rivé sur moi… Non c’était bon je pouvais mourir de honte ce soir.

Ethan regarda Rosalys avec amusement, sa question semblait tellement incongru à ses yeux qu’il répondit.

- Il le fera n’en doutons pas et oui je vais très bien crois moi.

La jeune femme était toujours à son bras et même sans empathie elle put sentir une légère crispation de son bras alors qu’elle parlait comme à l’accoutumée. Il s’arrêta pour réfléchir un instant, sans nul doute malgré sa bonne humeur quelque chose n’était pas dans la « normalité » du gardien d’Arilinn.

- Ranald pourra tout aussi bien faire danser les apprenties qui rejoignent sa tour non ?

Cela étant dit il avisa la table des teneresteis et choisit une place un peu à l’écart, il avait laissé de l’espace entre lui et Ranald et Emun, étrange une fois de plus. Il avait regardé la jeune Cleindori qui allait rejoindre sa tour et retrouva le sourire pour le coup devant l’étrange scène qui se déroulait.

- Inutile d’intervenir, elle est maladivement maladroite et fera souffrir nos kyrris de ses verres brisés, nul besoin de quoi que ce soit pour elle je le crains. Mais j’ai hâte de voir et étudier cet étrange lien qui l’anime avec son animal à fourrure, nous sommes surprenants je trouve.

Il parlait des humains en général en disant cela. Il invita d’un geste un serviteur à lui servir un verre de vin et proposa à Rosalys un verre aussi. Ce fut à ce moment là que Mikhail s’approcha d’eux et s’installa à côté d’Ethan sans autre forme de procès, il observait l’assemblée.

- Moisson correcte cette année. Mais dis moi Ethan, pourquoi diable n’as-tu pas voté en mon sens pour que la jeune Octavie rejoigne la Tramontane. Quel intérêt de l’envoyer à Hali ? Ils ne sont même pas encore établis correctement, elle aurait fait des merveilles à œuvrer sur les maladies et leur expression génétique dans ma tour.

Ce à quoi Ethan répondit d’un laconique.

- Va savoir cher ami.

Je peinais à reprendre pied dans la ocnversation même si Dyan avait un attrait plus que certain. Néanmoins je vis à son poignet le catenas… zut toujours marié pour le coup le bougre… Enfin dans notre culture cela n’avait pas forcément grande importance surtout pour les hommes force était de l’admettre.

Amalia était comme à l’accoutumée celle qui était capable de calmer mes angoisses et peurs par sa simple présence et sa main glissée dans la mienne était mon ancrage en ce moment.

- Autant faire en sorte que j’y trouve un intérêt vénal en effet.

Et de rire mentalement parce que non je n’étais pas particulièrement vénale, j’aimais les belles choses mais j’étais réaliste au final. D’un autre côté j’observais Amalia et j’étais soulagée.

- Je suis néanmoins soulagée que cela fut moi et pas toi qui te retrouve ainsi livrée en pâture d’un mari… Même si je connais Ian en cousin je ne peux savoir comment il sera réellement avec moi au quotidien mais je peux espérer du respect de sa part tant que je ne froisse pas son orgueil.

Comme pour n’importe quel homme non ? Revenant à Dyan j’avouais peiner à cacher l’attrait que j’avais pour lui en effet.

- Il a un goût d’interdit et de revanche en quelque sorte. Et en effet je sens bien que son regard n’est plus réellement le même qu’il y a 4 ans mais en toute franchise il a le même regard pour toi, c’est un homme à femmes, un séducteur.

Posant mon regard sur Dyan sans pour autant croiser le sien directement je poursuivis.

- Je suis ravie d’apprendre qu’Aldones se porte bien et que votre famille ait pu survivre sans avoir à le manger. A son âge c’eut été difficile à mâcher comme viande je le crains.

Bon par contre qu’il fasse la conversation à notre chère cousine… D’ailleurs, j’avais bien entendu non ? Elle pensait fort assurément, Dyan était remarquablement attentionné pour le coup, ce qui n’était pas mon cas vous vous en doutez.

- Les grues ont un caractère tout a fait parfait Lyana !

Ma voix charriait des glaçons et il était clair que je n’allais pas rester ainsi sans rien dire.

- C’est une chance pour toi que d’être ici ce jour, tu as toute une délégation des représentants des tours pour t’aider avec ton laran qui visiblement s’éveille et nous fait profiter de tes pensées.

Reprenant mon plus beau sourire j’ajoutais.

- Si tu as mal à la tête n’hésites pas à rentrer te reposer, l’éveil du laran est épuisant en général.

Ardais... Kelyan nota l'information et tenta de se souvenir s'il devait avoir querelle avec les Ardais mais sans grand succès. Pour lui de toute façon les querelles de clan n'étaient pas très intéressantes si elles ne l'impactait pas personnellement. Il sentit la gène de la jeune fille et avait presque envie de la réconforter juste pour qu'elle se détende un peu et qu'elle cesse de s'excuser. Elle était une Ardais pas une fille du peuple ! 

Mais il ne dit rien et la regarda pendant qu'elle réagissait à la présence du serviteur, de la servante en chef et qu'elle jetait des coups d'oeil ici et là. Il n'intervint pas dans la querelle avec le serviteur, même s'il était assez clair qu'il était totalement d'accord avec la mestra sur la conduite à tenir. Renvoyer le serviteur même s'il n'était pas coupable semblait la meilleure solution. Mais la jeune maladroite n'était pas d'accord et elle défendait déjà l'opprimé. Comme c'était mignon et rafraichissant ! 

Cependant, il n'était pas dit que Kelyan resterait en en retrait longtemps de la discussions non plus, il ne le pouvait tout simplement pas. Il fallait juste qu'il évite de dire tout haut ce qu'il pensait dans le secret de son esprit. Car quand elle annonça que la servante devait cesser de s'occuper de ses jupons, il manqua de proposer de s'en occuper lui-même. Car nul doute qu'il était totalement capable de faire disparaitre toute trace de l'apparence de la jeune fille. Cela nécessiterait de lui retirer ses jupons, mais au moins plus aucune tâche ne serait visible sur elle. Du moins il l'espérait... Mais il se retint tout de même et remarqua le regard de plus en plus blessé de Cleindori.

"Ne vous mettez pas dans un état pareil, la maladresse peut arriver à tous."

Certainement pas dans les mêmes proportions que ce qui venait de lui arriver mais cela il n'avait pas besoin de le dire. Il désigna d'une main deux places libres non loin de là.

"Si vous le souhaitez, nous pouvons nous asseoir à cette table, et je vous promets de vous distraire pour que vous ne pensiez plus à ce regrettable incident."

Et qui sait, si elle s'amusait, peut être qu'elle était assez maladroite aussi pour qu'il ait à la rattraper dans ses bras lors d'un mouvement brusque. Il le ferait bien entendu par pure courtoisie et pas du tout pour se rapprocher d'elle.

Ma tour viendra aussi, ce n'est qu'un sursis qui sera forcément de trop courte durée.

Amalia n'ajouta pas que quand ce moment serait venu, elle serait seule pour affronter la nouvelle. Allira serait mariée, elle aurait sa nouvelle vie auprès de la famille qu'elle s'était constituée pendant ses années de tutelle. Il n'y aurait personne pour s'inquiéter de ces angoisses. Elle était toujours d'un caractère égal que personne n'imaginait jamais qu'elle put en avoir.

Il y avait l'air très mal à l'aise ce matin, peiné aussi peut-être, d'être celui qui a dû annoncer cette décision... J'espère que cela montre qu'il prend en compte ce que tu ressens, aujourd'hui comme demain ou dans quelques années.

Elle ne pouvait pas espérer mieux pour sa jumelle qu'un mari aimant et un foyer où il faisait bon vivre. Allira avait son caractère, personne ne pouvait le nier, mais elle avait aussi bon cœur si on savait aller au delà de l'apparence frivole qu'elle pouvait parfois laisser paraître.

Son regard se porta naturellement sur Dyan Alton quand sa sœur lui répondit. C'était bête à dire comme cela, mais pour le moment, il ne voyait que deux copies de la même personne, ce qui était d'une logique implacable pour deux vraies jumelles. Mais les deux filles étaient aussi ressemblantes physiquement qu'elles étaient différentes de caractère, et comme tout le monde quand Allira était dans les parages, il finirait par s'en rendre compte.

Je te laisse ta revanche, répondit-elle avec un sourire dans sa voix mentale.

Bien sûr, cela ne la dispensa pas de nourrir la conversation avec l'objet de l'attention de sa sœur.

- Maintenant que la foire se termine, encore quelques jours. Nous ne voudrions pas abuser de l'hospitalité de dom Orain, qui doit se languir de retrouver le calme dans sa demeure.

Elles avaient bien sûr tout fait pour être discrète et ne pas ajouter du travail à tout ce que le dom et la domna avaient déjà à gérer pour l'organisation de la foire et la venue de tant de monde en un même lieu. Mais force était de constater que leur présence représentait malgré tout une charge de travail supplémentaire.

Sa cousine, de son côté, faisait montre d'un sens des affaires bien différent de celui de sa sœur.

- Je t'accompagnerai dans ce cas, si ma présence ne te dérange pas.

Amalia eut l'impression de capter son commentaire sur une épée (!) qui avait attiré son attention et elle hésita, comme le matin. Finalement, l'enchaînement des événements donnèrent raison à la mauvaise impression qu'elle avait eu quand elle avait entendu ses pensées plus tôt dans la journée. Elle était toujours prête à arrondir les angles entre Lyana et Allira, mais présentement, la colère de sa jumelle était compréhensible.

L'aînée se leva et une main sous le coude de Lyana, elle l'invita à se lever.

- Oui, nous entendons tous tes pensées. Mais Allira a raison, toutes les Tours sont présentes ce soir, c'est une chance. Allons les voir.

Elle étreignit mentalement sa soeur, désolée malgré tout.

Je vais m'occuper de Lyana, divertis donc dom Dyan.

C'était impressionnant, toutes ces personnes en un même lieu. Ce qui lui avait semblé immense à Storn... Comme quoi il était bon de temps en temps sortir de chez soi et d'aller voir ce qui se faisait ailleurs. Après avoir salué dom Orain, Dorian leur trouva une place à table et pour une rare fois, Callista put voir son frère quasi fasciné par une femme qui passait, toute de bleu vêtue. Elle ne pouvait rien redire aux goûts de son frère (@Dorian Storn) et c'était affreusement amusant de le voir ainsi, même si cela ne dura que quelques secondes.

Je ne sais pas... C'est sans doute mieux que de se demander pendant des années si on aurait dû essayer... Ils savent au moins à quoi s'en tenir désormais.

La question de Dorian la fit sourire.

Qui te dit qu'une tour voudrait de moi pour commencer ? Je pourrais peut-être tenter ma chance l'an prochain si tu reviens à Neskaya ?

Deux femmes, certainement mère et fille s'installèrent près d'eux (@Maura Ardais) et ils échangèrent des salutations rapides. Les couleurs portée par la plus jeune retinrent le regard de Callista, le temps pour elle d'évaluer qu'elle ne se comportait pas comme une étrangère avec une parente. Rien qui ne lui revienne et d'ordinaire, elle ne commettait pas trop d'impairs. Une volaille et son plateau rencontrèrent le sol et provoquèrent une moment de silence, cristallisant les regards autour. Simple accident mais qui faisait toujours désordre. Avant que Callista ne puisse se lever, l'homme dont ils avaient fait la connaissance plus tôt dans la journée se porta à l'aide de la jeune femme qui avait bousculé un des serviteurs.

Laissant faire ce petit monde, Callista reporta son attention sur toutes les personnes présentes, admirant une robe par-ci, une coiffure par-là. Elle devait avoir l'air d'une campagnarde ce soir mais elle appréciait de pouvoir juste participer aux festivités.

Jetant un nouveau coup d'oeil à la jeune fille (@Cleindori Ardais) et son Scathfell chevalier servant qui semblaient prêts à s'assoir, Callista leur fit signe de la main. Elle connaissait assez bien les manières des montagnards et elle ne pouvait laisser une aussi jeune fille sans surveillance même légère.

Par ici, venez donc. 

Ne pouvant non plus les obliger à venir, Callista prêta une oreille à un ancien qui déclama son laïus dans le silence. L'explication suivit et avec un sourire en coin, Callista donna son caillou au premier serviteur venu.

Rafael accéléra le pas et en était presque à courir quand il arriva enfin là où il était quasi attendu. En cette soirée de fête, dom Orain recevait et il était de bon ton de ne pas arriver au moment où tout le monde avait déjà les couverts dans son assiette. Ca lui apprendrait à oublier le temps qui passait dans une taverne qui disposait d'un échantillon de boissons intéressantes.

Les joues légèrement rosies par l'exercice et peut-être par ses apéritifs, Rafael se fit un devoir de filer bille en tête vers dom Orain pour lui présenter ses salutations et ses remerciements pour la soirée qu'il offrait. Ceci fait, il se tourna vers les tables alentours pendant qu'un vieux poussif se lançait dans une sorte de poème. N'ayant pas vraiment écouté, l'explication fit fut donnée pour ceux ne connaissant pas la tradition tombait à pic. Rafael décida de ne pas participer à la chose et s'éloigna encore un peu de la table principale jusqu'à ce qu'il aperçut sa cousine (@Rosalys Hastur). Encadrée comme il se devait de laranzu'in, bien entendu. Voilà une occasion à ne pas manquer !

Ma chère cousine ! Puis-je espérer une danse ce soir au moins ?

Tandis que je me tournais vers ma cousine qui, à son air piteux, semblait avoir connu des jours meilleurs, j'entendis les salutations de nos voisins de table et le retour poli que faisait ma belle-mère.

"Carline Lindir-Ardais, su serva. Ma fille, Maura Ardais. Encantada, dom Dorian."

Je fus momentanément distraite par la réflexion lancée à sa compagne par Dorian Storn en direction de qui je lançais un regard incrédule. Quelle horrible chose à dire d'une pauvre gamine comme Cleindori ! Pas que je sois beaucoup plus âgée, ni même plus sage (encore que...) mais, malgré sa maladresse, elle ne méritait pas de dire qu'elle attirait la honte sur sa famille pour une simple chute. Pas alors qu'elle venait d'être désignée pour rejoindre les rangs prestigieux d'Arilinn. Enfin, ce n'était pas grave. Jamais Cleindori et Dorian Storn ne se recroiseraient.

"Ce n'est rien, Dori, je suis sûre qu'avec un peu d'eau..."

Un jeune homme s'approcha de nous pour apporter son aide chevaleresque à ma pauvre cousine et se présenta rendant ainsi à la situation un semblant de normalité. Normalité vite effacée par l'entrée en scène d'une matrone qui chanta pis que pendre au marmiton. Le tout me laissa complètement interdite... Que Neskaya était étrange ! Jamais je n'avais vu une de nos cuisinières se permettre une telle sortie devant la dame Ardais. Heureusement, sa cousine sembla reprendre suffisamment contenance pour la faire cesser tandis que dom Kelyan se proposait pour lui faire oublier ses malheurs. Mon éventuelle inquiétude fut rapidement éventée par l'appel d'une de nos compagnes de tablée qui les invita à prendre place auprès d'elle. Au moins Cleindori serait-elle assise à proximité de ma belle-mère, ce qui supposait au moins un certain contrôle sur toute forme de maladresse que celle-ci pourrait exprimer. Je m'écartais pour leur laisser une place, me rapprochant du Storn.

Tout cette agitation fut vite oubliée quand un vieil homme apparut sur l'estrade pour déclamer un poème qui manqua de me faire renifler de dédain. Fallait-il qu'ils soient tous crédules pour croire à ces vieilles histoires ! Je vis l'une de mes voisines ( @Callista Storn ) se prêter au jeu et je me demandai si il était attendu que tous les invités en fassent de même. Enfin, le proverbe disait bien qu'à Temora, il fallait manger du poisson. Un serviteur passant, je lui fis signe et lui glissai mon caillou avec un murmure.