La fête de Mabon

 
 
 
 
 
 
 

Je souriais à ce frère qui savait passer du chaud au froid en une fraction de seconde. La tour rendait ses travailleurs, ses gardiens plutôt étranges. Quand je regardais autour de moi, tous ces porteurs de robes, qu’ils soient hommes ou femmes, me faisaient froid dans le dos.
 
-       Je suis bien heureux de retrouver mon frère dans ce cas. Mais le garde insouciant se rappellera que le gardien n’a que faire de lui quand il réclamera une escorte. Je le note.
 
Et je tapotais ma tempe de mon index pour mimer que je saurai m’en souvenir en souriant largement. J’opinais du chef quand il m’expliqua ce qu’il pouvait pour moi et cela m’allait très bien. Je supportais parfaitement l’idée d’avoir des cicatrices, des marques du temps et des épreuves de la vie à la garde, mais beaucoup moins les douleurs handicapantes qui pouvaient être irradiées par un « simple » coup de matrice. Quant il eut fini et de me donner les dernières instructions, je n’allais pas louper cette occasion d’enfin accandir  avec cette jolie petite brune qui sert chez mon oncle et qui ne me refusera pas ce genre de soin, nous trinquons enfin ensemble.
 
- Merci à toi. En effet, la soirée n’est pas à la hauteur de mes attentes. Mais vois le bon côté des choses, tu as fait forte impression. Et je pris une bonne gorgée en relevant les sourcils pour lui.
Comme tu dois le savoir, Marilla doit garder la chambre maintenant. Elle dit aller bien mais son état la fatigue beaucoup. Je ne suis pas certain de lui imposer d’autres grossesses, elle est si fragile.

Ce qui était un problème. Mais si mon épouse n’était pas faite pour porter des enfants, je ne pouvais prendre le risque de mettre une fois de plus sa vie en péril. Je ne suis qu’un nedesto, on n’attendait pas forcément de moi une tripotée de gamins pour la lignée. On avait cette chance.

Si elle avait craint de l'indisposer en l'abordant alors qu'il avait surement besoin de repos après les soins qu'il lui avait prodigués, Amalia fut rassurée par la façon dont le gardien accueillit son arrivée. Elle ne savait même pas pourquoi elle faisait cela, ni si elle avait atteint l'objectif sur lequel elle n'osait même pas mettre de mots. Sans doute sa jumelle aurait-elle comprit, elle, le sens caché dans la question finale ? Pour sa part, Amalia ne pouvait que le supposer.

L'homme réitéra ses conseils sur les soins et la jeune fille hocha la tête. Après tout ce qu'elle avait enduré, un peu plus de douleur ou un peu moins... Sans doute que cette accalmie allait émousser sa capacité à encaisser la douleur, mais elle était au courant de ce qui allait suivre. Elle avait un peu de temps pour se faire à l'idée qu'elle allait une nouvelle fois souffrir.

Amalia rendit son sourire au gardien. Elle avait conscience qu'elle devait ressembler à un épouvantail après toutes ces aventures, la voyage dans le Surmonde, le feu, la fumée, le pichet d'eau de ce godelureau d'Hastur (dont personne encore ne lui avait parlé), mais rien qu'un sourire féminin ne pouvait arranger non ?

- Amalia di Asturien. Nous logeons chez dom Orain avec ma sœur en effet. J'attends de vos nouvelles dans ce cas..?

Est-ce qu'il fallait dire ce genre de chose dans ce genre de situation ? Amalia ne savait vraiment pas comment les choses étaient supposées se passer et son dilemme intérieur montrait toute l'étendue de son inexpérience. De toute façon, mieux valait couper court à la conversation pour éviter de faire ou dire quelque chose qui ruinerait ses efforts.

Après un dernier regard avenant (c'était son but en tout cas), Amalia salua le gardien pour le laisser à son vin. La soirée avait eu raison de ce qui lui restait de courage et elle avait seulement envie d'enlever sa robe, de se laver et de dormir tout son saoul. Elle rejoignit leur cousine prostrée (elle n'avait pas été la seule à subir de plein fouet les événements de la soirée), Ian et sa sœur qui se montrait étonnement prévenante envers leur parente. Mais Amalia ne pouvait qu'acquiescer : il leur fallait du repos à toutes (ou presque).

Au sol, incapable de me relever, je fulmine. Ce truc bizarre que j'ai ressenti est reparti comme il est venu, me laissant sans force. C'est dur à encaisser, je ne me suis jamais sentie si faible et je déteste ça !  Surprise d'entendre Allira s'adresser à moi d'une voix presque gentille, je tourne le visage vers elle. Je me sens à la fois soulagée de retrouver quelque chose de mon univers et terriblement contrariée qu'elle assiste à ma déconfiture... Après un silence marqué, je réponds.

- Pas bien.

Ce qu'elle me dit n'est pas méchant pour une fois et même, cohérent. Rentrer ? Comment... En dépit de mes réserves, je finis par souffler la cruelle vérité à voix basse.

- Je ne peux pas me relever.

J'ai toujours cette question que me souffle mon esprit à savoir qu'est ce qu'il s'est passé là tout de suite ? Je ne me sens pas de le dire à ma cousine. Elle va sans doute dire que je suis cinglée... Cinglée en plus d'être une gêne, mal élevée et que sais-je encore... Connaissant Allira, si je le lui demandais, elle me réciterait une liste non exhaustive. Je dois être anormale, mieux vaut ne rien dire sur la souffrance que j'ai endurée. Ils me mettraient où alors ? Y a t-il un endroit pour les comyns fous sur cette terre ? J'accepte l'aide de l'homme qui accompagne ma cousine. De toute manière, ai-je le choix ?

- Merci.

J’avais pu me relever grâce à Ian et je l’en remercie, j’avais usé de mon laran plus qu’habituellement même si cela restait relativement peu par rapport à certaines personnes. Je sentais bien une légère faiblesse mais l’idée de pouvoir terminer la soirée ailleurs qu’ici le postérieur dans la poussière m’enchantait et me ravissait.

J’avais acquiescé sans même hésiter aux paroles de mon cousin et promis.

- On ne m’y reprendra plus non plus crois moi. Impossible de s’amuser correctement tsss.

Je le laissais ensuite aider ma cousine Lyana. Elle sembla surprise de mes paroles et je pouvais comprendre la raison, c’était tout sauf habituel de ma part. Néanmoins l’idée de la fin de soirée me rendait moins revêche à son encontre et la pauvre faisait encore plus peur à voir que ma soeur.

- Ian va t’aider. Ian est notre cousin, un des fils du Dom Lanart. Il est aussi mon promis.

Autant éviter qu’elle se fasse des idées, il était mien. Si j’étais prête à batifoler, j’avais un sens du partage tout à fait inexistant en réalité.

Une fois que Lyana fut debout je lui offris mon bras pour rentrer.

- Tiens appuies toi sur moi.

C’était plus convenable ainsi . Amalia semblait aller bien pour sa part, elle discutait avec le beau gardien, elle prenait exemple sur moi, belle idée. Quand nous avons rejoint sa hauteur, elle venait de quitter Mikhail et nous n’avions rien entendu de fait.

- Allez bredilla on rentre chez le Dom Orain. Il est temps que vous alliez au lit jeunes filles. Vous faites peur à voir toutes les deux. Je vous borde et vous dormez jusqu’à midi demain !

Cela étant dit j’entrepris donc de ramener tout ce monde chez le Seigneur du lieu. J’avais grande hâte de mettre tout le monde au lit, même si selon les personnes le sens différait.

Nous tournions le dos à la fête et la main que j’avais lâchée revenait à moi, je la serrais donc en la regardant avant de revenir sur son propriétaire et sa proposition était tout à fait tentante. 
 
-       Soit, allons pour un bain chaud. 
 
Il allait être difficile de songer que nous pourrions nous éloigner ce soir.
 
-       Et reste près de moi, si tu veux bien.
 
Si je n’étais pas celle que je suis, j’aurai laissé ma tête tomber sur lui le temps du trajet, mais je suis restée droite et correcte alors que nous avancions comme le faisaient les jeunes gens insouciants et cela était tout aussi étrange que plaisant.

Une fois à la tour, nous nous sommes retranchés dans ma cellule. 

 
 
 

Elle était vraiment délicieuse et pas un instant Kelyan ne se sentit réellement désolé de lui avoir volé un baiser. Surtout qu'elle ne s'était pas dérobée et qu'elle l'avait même remercié. Il lui sourit d'un sourire naturel, assez rare, et il accepta enfin de la raccompagner vers le reste de la foule. 

Elle retrouva bien vite les siens et il aurait pu avoir un pincement au coeur en songeant qu'elle l'avait déjà oublié. Mais non, il savait que ce n'était pas ainsi, elle était juste heureuse de retrouver ceux qu'elle connaissait le mieux. Et il hocha la tête.

"Je vous souhaite une agréable soirée Damisela."

Il ne pouvait rien ajouter d'autre en présence de tant de personnes et il se retira calmement, la laissant profiter des rares festivités encore en place.

Allira annonça que notre cousin Ian, présentement le promis dont j'avais entendu parler à Asturias, allait m'aider à me relever. Il m'attrapa et me remit sur mes pieds, j'en fus profondément contrite de n'avoir pu le faire seule. Evidemment que la pilule serait mieux passée si Allira m'avait aidée elle-même en dépit de ce que je ressentais pour elle. Ne m'avait on pas appris à ne jamais solliciter l'aider d'un homme ? Même sans avoir prononcé le serment, j'avais appris beaucoup de choses au sein de la sororité des femmes...

- Euh, merci mon cousin.

Je masquais ma gêne et prit le bras d'Allira sans moufter. De toute façon, j'aurais été bien en peine de marcher seule. Je me reposais lourdement sur elle, faisant de gros efforts pour poser les pieds l'un devant l'autre. Je me sentais transpirer sous l'effort conséquent que je fournissais et ne concéda qu'un maigre sourire à Amalia. Nous repartîmes tous ensemble en direction de l'auberge. C'était la pire soirée de mon existence ! J'étais pressée de trouver mon lit et de sombrer dans l'inconscience.

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

Innocente certes, mais Amalia comprit le sous-entendu du Gardien (merci sœurette), qu’elle quitta sur cette proposition indécente (mais qu’elle avait provoqué en toute connaissance de cause).

Lyana retrouva une position verticale, aidée en cela par sa sœur. Pour sa part, bien qu’elle se sentait fourbue et sale, elle pouvait encore tenir sur ses deux jambes. Ou donner suffisamment le change pour qu'on l'en croit capable. Des picotements à l’endroit de la brûlure lui rappelaient que la douleur allait se rappeler à son bon souvenir incessamment sous peu et qu’elle tenait à être à l’abri de la demeure de dom Orain et avec quelques heures de sommeil dans les veines lorsque cela arriverait.

- Merci pour ce gentil compliment, breda.

Y avait-il seulement quelqu’un pour avoir meilleure mine après les événements de la soirée ? Cela étant, Amalia emboîta le pas à sa sœur et sa cousine, direction son lit, pour mettre un point final à cette dramatique soirée.